8 avril. – La Tapisserie de sainte Véronique.
Madame George Blumenthal par Boldini en 1896
Madame Blumenthal photographiée en 1916-1920
Source Half Pudding Half Sauce où l'on peut "visiter" l'hallucinante collection réunie par les Blumenthal
L’ai vendue quatre-vingt mille dollars à Mme Georges Blumenthal.
Exposition de trente-cinq toiles, la plupart des petites. Durand-Ruel les a achetées au peintre au cours de ces deux dernières années. Le catalogue nous apprend que les plus anciennes datent de 1878. Durand-Ruel me dit : « Je ne pourrais dire les dates, car Renoir retouche toutes ses toiles avant de nous les livrer. »
J’admire deux toiles, des pommes. Durand-Ruel m’apprend qu’il y avait ainsi cinq groupes de pommes sur une même toile, que son frère et lui ont trouvée dans la chambre d’une vieille bonne qui venait de mourir chez le peintre. Ils l’ont découpée.(1)
19 avril. – L’Exposition Lemordant est terminée.
Ce fut un gros succès, un monde fou jusqu’à la dernière minute. J’ai vendu pour treize mille huit cents dollars. Je vais trouver Lemordant à 6 heures. Le
15 avril, il a été reçu à l’Académie des beaux-arts, où il a prononcé un discours bouleversant sur l’art et les artistes qui ont fait, à la guerre, le sacrifice de leur vie.
Avec émotion et d’une voix large, Lemordant me remercie de ce que j’ai pu faire. Il me dit :
— Je sais tout ce que vous avez fait pour moi. Pendant quatre années de martyre la sensibilité s’affine. Privé des distractions extérieures toute joie humaine disparaît. Je me confine dans les joies intérieures, et pour un homme jeune il est des heures dures. Oui, vous vous êtes beaucoup donné à moi, je l’ai senti. Après ces années tissées de ma souffrance, un être sensible s’est développé en moi, bon juge de la sensibilité des autres. Ah ! comme je voudrais avec vous me promener à Paris, un jour, sur les quais. Ah ! si ma vision revient, je clopinerai quelque peu, mais qu’importe ! Mes yeux, j’aurai mes yeux !
FIN DU 4e CARNET
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Note de l'auteure du blog
Les œuvres de Renoir affluent chaque année en grand nombre sous le marteau des enchères. Le site Art Value.com en dénombre entre 250 et 300 par an, toutes techniques confondues. Les tableaux cotent, selon leur qualité et leur importance, entre 30 000 et 2 à 3 millions d'euros.
Pour Renoir, la qualité est en effet très inégales.
La dernière période, celle des baigneuses aux formes généreuses, qui fait actuellement l'objet de la grande exposition du Grand Palais, est la plus abondante sur le marché, mais non la plus cotée, quoique parfois surcotée.
A cette époque le peintre septuagénaire, atteint d'arthrose, depuis 1898 n'a plus la virtuosité du jeune impressionniste de 1870. Pour continuer à peindre, il se faisait attacher ses pinceaux entre ses doigts paralysés !
Et que dire des œuvres format "carte postale", découpées après sa mort dans la grande toile sur laquelle l'artiste esquissait ses sujets ? Montées sur châssis, frappée du tampon d'atelier elles se retrouvent sur le marché à des prix disproportionnés à leur valeur artistique.
Les très gros prix vont aux toiles emblématiques des années 1870/90, quasiment introuvables sur le marché de l'art. Au point que les 78,1 millions de dollars M$ (58 575 000 €) obtenus par Sotheby's à New-York le 17 mai 1990, demeurent vingt ans plus tard un record non battu. Il s'agit d'une version contemporaine mais un peu plus petite (78 x 114 cm) de la toile du musée d'Orsay (131x175cm) .
Le dernier prix important offert aux enchères remonte au 5 février 2008, avec les 9 869 595 € chez Sotheby's d'une version réduite de La Loge, peinte en 1874 : 27x21cm contre 80x63,5cm pour la toile conservée à la Courtauld Gallery de Londres.
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Extrait de Journal d'un collectionneur de René Gimpel - Edition Calmann-Lévy 1963