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dimanche 12 juillet 2015

4ème Carnet - 6 et 7 décembre 1918

6 décembre. – Matisse.

Matisse autoportrait de 1918

A part ses yeux qui sont bleus, tout est jaune en lui ; aussi bien son pardessus que son teint, aussi bien ses chaussures que sa barbe tendrement taillée. Comme il porte des lunettes, elles sont, naturelle-ment, en or. Je le rencontre dans une petite boutique, chez Guillaume, un jeune marchand qui n’achète que des extrémistes. J’entre au moment même où Matisse part. Guillaume a encore le temps de le rattraper par le bras. Il lui montre une de ses toiles et lui demande ce que représente une bande bleue verticale derrière un pot vert qui contient une dizaine de fleurs ; le pot est placé sur une petite table carrée d’escamoteur ou escamotée. La petite table dégringole comme cette peinture. L’artiste répond : « C’est une moulure, je ne peins pas le bois naturel. » Guillaume, timidement, fait : « C’est que je ne comprenais pas, c’est pour expliquer à mes clients. » Matisse, impératif et sec, réplique : « Mon école n’explique pas. »

Après la vente Curel.
Ambiatelos aux courses
propriétaire [du cheval de course Kefalin, gagnant du Grand Prix de Longchamp] : [photographie de presse] / [Agence Rol]

Ambatielos a rendu le faux Greuze.

7 décembre. – Lapauze, directeur du Petit Palais. *


Henry Mapauze en 1919

Sa petite barbe commence à blanchir, sa peau à noircir et ses yeux prennent le blanc opaque des nègres. Il faut lui rendre son dû. En 1900, on lui donne le Petit Palais tout nu ; il venait d’être construit et il en fait un musée intéressant. Son plus rare mérite, c’est d’enthousiasmer les gens du monde.

Henri Lapauze vers 1900

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Note de l'auteure du blog

* Originaire de Montauban, c’est au contact de Jacques-Ernest Bulloz, éditeur montalbanais lui aussi que Lapauze s’oriente vers l’Histoire de l’art. C’est avec Bulloz, que Lapauze, alors journaliste au Gaulois conçoit le projet d’une étude consacrée à Ingres. C’est aussi avec lui, qu’il s’intéresse à La Tour.
Premier directeur du Palais des Beaux-arts de la Ville de Paris, il est aussi le fondateur de deux revues (La Renaissance politique, littéraire, économique et artistique en 1913 et La Renaissance de l’art français et des industries de luxe en 1918, renouant ainsi avec son passé de journaliste.
Il meurt d'un cancer sans avoir vu l’Exposition Internationale des Arts Décoratifs et Industriels Modernes qu’il avait pourtant contribué à organiser. Le Pavillon de La Renaissance de l’art français et des industries de luxe à l’Exposition, lui est dédié à titre posthume.
Il se maria deux fois. Sa première épouse n'est autre que l'écrivain féministe Daniel-Lesueur (Jeanne Lapauze née Loiseau 1860 – 1920 : poète, romancière et dramaturge, engagée dans les combats féministes de la « Belle Epoque ». Elle est la première épouse d’Henry Lapauze.) Sa seconde épouse devient directrice de la revue jusqu'à la reprise par Madame Charles Pomaret.

Source quaesitor
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Extrait de Journal d'un collectionneur de René Gimpel - Edition Calmann-Lévy 1963

samedi 25 avril 2015

3ème CARNET - 1er Août 1918

1er août. – Le prince de Wagram*.
Mort pour la France, il a peut-être trente ans. La nouvelle arrive aujourd’hui. Sa mère est une Rothschild. On dit qu’il a légué au Louvre sa collection d’impressionnistes qu’il a commencée quand il avait vingt-deux ans. Il possédait les plus beaux Renoir.

Sur Matisse et la mère Humbert.
 Les parents d'Henri Matisse
Source la maison familiale d'Henri Matisse

Je parle à Petit de Matisse, et il me dit : « Ses parents tiraient le cordon dans l’hôtel de la mère Humbert, la reine des escrocs chez laquelle je fréquentais. La concierge me parlait bien de temps en temps de son fils qui peignait mais je n’y prêtais nulle attention. Je vendais des tableaux à la mère Humbert et comme tous les gogos je croyais à cet héritage, à ces millions imaginaires, à ces Américains qui n’existaient pas, à ces Crawford… oui, à cet héritage auquel elle était parvenue à donner une existence légale en en payant les droits de succession.
« Elle m’avait souvent montré l’immense coffre-fort à trois clefs où reposaient les titres auxquels, soi-disant, elle ne pouvait pas toucher, et quand on l’ouvrit, vous vous souvenez, on ne trouva que l’éternel bouton de culotte !


« Elle donnait de superbes soirées où j’ai rencontré le président de la République. Elle me devait deux cent mille francs depuis pas mal de temps et, un jour, je vais les lui réclamer et je trouve dans son anti-chambre un bijoutier qui l’attendait et que je connaissais, mais je n’ai pas le temps de lui parler car elle me fait entrer aussitôt. Je lui demande mon argent de façon très énergique. Elle se dérobe. J’insiste. Alors, elle me dit : « Puisque vous avez tant besoin de votre argent, Petit, je vais mettre mes bijoux au mont-de-piété, sacrifice que je ne ferais pour aucune « autre personne au monde. » Elle pensait que j’allais protester, m’y opposer, mais je m’en gardai bien. Elle me conduisit dans sa chambre à coucher où elle fit étinceler devant mes yeux pour au moins deux millions de bijoux, et elle me pria de revenir le lendemain, m’assurant qu’elle me payerait, et je le fus. Quinze jours après, je retournai chez elle et je retrouvai mon bijoutier dans l’antichambre. Il se plaint à moi d’avoir laissé là depuis plus de deux semaines pour, plusieurs millions de bijoux et de ne pouvoir en obtenir la restitution. Une lueur de doute traversa mon cerveau !

est une chanson à la mode dans les années 1901-1902 qui raconte la même histoire que Petit (cliquez pour entendre la chanson). Paroles :

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Note de l'auteure du blog :

* Les princes de Wagram m'ont donné du fil à retordre !! J'ai enfin trouvé le bon :  Louis Marie Philippe Alexandre Berthier (19 juillet 1883 - Paris VIIIe † 30 mai 1918 - mort pour la France à l'ambulance allemande de Barenton-sur-Serre (Aisne)), 4e prince de Wagram, 3e duc de Wagram, Saint-Cyrien (1903-1905, promotion de la Tour d'Auvergne), lieutenant au 101e régiment d'infanterie en 1910, capitaine au 6e bataillon de chasseurs. Il était en effet le fils de  Louis Philippe Marie Alexandre Berthier (24 mars 1836 - Paris † 15 juillet 1911 - Château de Grosbois), 3e prince de Wagram, 2e duc de Wagram, marié le 7 novembre 1882 (Paris) avec Berthe Claire von Rothschild (2 janvier 1862 - Francfort-sur-le-Main † 18 septembre 1903 - Paris).
Source Wikipedia

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Extrait de Journal d'un collectionneur de René Gimpel - Edition Calmann-Lévy 1963