samedi 6 juin 2015

3ème Carnet - 19 octobre 1918

19 octobre. – Les Fouquet de Chantilly*.
Source Wikipedia

Le docteur Funck-Brentano me dit : « Ils ont appartenu à mon grand-père Christian Brentano. Il les avait achetés six ou huit mille florins. Il habitait Munich. Un jour, il se cassa la jambe et fut soigné par son cousin Louis Brentano, et pour le remercier, il les lui donna ou les lui céda. Ce dernier haïssait tellement la Prusse qu’il les vendit au duc d’Aumale cinquante mille francs alors qu’il avait reçu une offre supérieure du musée de Berlin et qui était, je crois, de quatre ou cinq cent mille francs. Je me souviens parfaitement les avoir vus dans ma jeunesse, chez mon cousin, accrochés seuls dans une pièce en boiserie, protégés de la lumière par un petit rideau vert. »
--------------
Note de l'auteure du blog

* Le Livre d'heures d'Étienne Chevalier est un ancien livre d'heures manuscrit, œuvre de Jean Fouquet réalisée entre 1452 et 1460. Aujourd'hui dispersé et en partie détruit, seuls 49 feuillets contenant 47 miniatures subsistent, dispersés dans huit lieux de conservation différents en Europe et aux États-Unis. Quarante de ces feuillets sont conservés au musée Condé à Chantilly. Commandé par Étienne Chevalier, trésorier du roi Charles VII, ce livre est décoré par l'un des plus célèbres peintres et enlumineurs français du xve siècle, Jean Fouquet. C'est au début du XVIIIe siècle que les miniatures du manuscrit sont découpées et vendues séparément, le reste du texte étant en grande partie détruit.
L'ensemble des miniatures connues de nos jours restent pendant longtemps entre les mains de différents collectionneurs privés. Louis Brentano revend les quarante miniatures de son père Georg en 1891 au duc d'Aumale, fils de Louis-Philippe et grand collectionneur, pour la somme considérable pour l'époque de 250 000 francs. Il tente alors d'acheter le portrait d'Étienne Chevalier avec saint Étienne, volet droit du Diptyque de Melun, qui appartient alors au même propriétaire, mais sans succès. Le duc expose les quarante miniatures dans son château de Chantilly au sein du Santuario dans dix nouvelles vitrines fabriquées pour l'occasion. Elles sont toujours visibles dans cette même pièce du musée Condé6. Ces vitrines sont restaurées en 2003-2007 pour y inclure des caissons climatiques permettant une meilleure conservation des miniatures.

--------------
Extrait de Journal d'un collectionneur de René Gimpel - Edition Calmann-Lévy 1963

jeudi 4 juin 2015

3ème Carnet - 17 octobre 1918

17 octobre. – Un Titien et un Andrea del Sarto.
Portrait d’homme, vers 1510, Giorgione ou Titien, (Washington, National Gallery). L’expression calculatrice, presque cruelle, amplifiée par son poing fermé, donne un aire agressif à cet homme, dont nous ne connaissons pas l'identité. Comme d’autres tableaux attribués à Giorgione, celui-ci présente des difficultés d’attribution. Les doux dégradés des tons obscurs rappellent le style de Giorgione. Cependant l’humeur agressive du modèle pointe vers le pinceau d’un peintre audacieux et plus actif, comme Titien.

Chez Joe. Le Titien, pas grand, un portrait d’homme devant une balustrade comme celle de la Schiavona. Il a une barbe, des yeux noirs énergiques et cruels. Le poing droit, décidé, repose sur un livre. Berenson avait écrit, il y a vingt ans, que ce tableau était une copie de Giorgione. Maintenant, il le donne à Titien. Giorgione a dû y toucher comme à La Schiavona, aujourd’hui dans la collection Herbert Cook, de Londres. Joe l’a payé vingt-cinq mille livres.

Dame, ver 1518 - Cercle d'Andrea del Sarto, Femme (habillée à la française), v. 1518. Huile sur bois.
Cleveland, Cleveland museum of art. 

Le Sarto est de plus grande dimension, une femme mi-italienne mi-flamande. Un sourire exquis. Elle est en noir, décolletée, un collier au cou et elle regarde vers la gauche. Une draperie blanche un peu raide, des manches rouges un peu dures. Le visage est très supérieur au reste du tableau. « Je le vendrai cinquante mille livres », me dit Joe. 

Un dessin d’Ingres.
Lady William Henry Cavendish Bentinck*, née Lady Mary Acheson par Ingres


Chez Jonas, l’antiquaire de la place Vendôme. Le portrait de la duchesse de Portland, signé « Rome, 1817 ». Il mesure peut-être trente centimètres de haut. C’est fait avec un crayon gras au trait inélégant. La femme est debout, trop droite et trop petite, les yeux trop ronds. Une chaise très bien dessinée. Je lui en demande le prix : « Cent mille. » – Je lui dis : « Folie. » Alors, il fait : « Il y a dix minutes, je n’en demandais que soixante mille, mais Lapauze sort d’ici et il en est fou. » Je lui réponds que dans huit jours il le laissera à vingt mille. Il me regarde furieux parce qu’il sait que c’est vrai. 

L’armure de la duchesse d’Uzès**.

A été vendue récemment soixante-dix mille dollars au musée de New York.

-----------
Note de l'auteure du blog

* Margaret Cavendish Bentinck, Duchess of Portland (Welbeck Abbey, 11 février 1715 – 17 juillet 1785, Bulstrode Park, Buckinghamshire), nommée Lady Margaret Harley avant 1734, Duchess of Portland de 1734 jusqu'à la mort de son époux, William Bentinck, 2e duc de Portland, en 1761 et Dowager Duchess of Portland de 1761 jusqu'à sa mort en 1785. Elle était la femme la plus riche du Royaume-Uni de son temps et possédait la plus grande collection d'histoire naturelle de son pays.
Carrière savante
C'est un membre de la Blue Stockings Society, un groupe surtout composé de femmes intellectuelles et artistocrates. En 1766, le philosophe Jean-Jacques Rousseau rencontre Bentinck et admire ses connaissances en botanique, malgré sa croyance en ce que les femmes ne pouvaient pas faire carrière en sciences. Ils correspondent jusqu'à ce qu'elle lui envoie une copie du Herbarium amboinense de Georg Rumpf, sur la botanique de l'île d'Ambon dans la présente Indonésie, car Rousseau voyait contrariés, en cet ouvrage, ses idéaux de nature libre.
Source Wikipedia

** Je pense qu'il s'agit de l'armure de Galiot de Genoilhac ou Genuillac, grand maître de l'artillerie, grand écuyer de France, un des plus grands hommes du règne de François ler. Son armure était religieusement conservée par la Maison d'Uzès. Elle décorait l'entrée du grand escalier d'honneur du château de Bonnelles (Seine-­et-Oise). Source Nemausensis

--------------
Extrait de Journal d'un collectionneur de René Gimpel - Edition Calmann-Lévy 1963

mardi 2 juin 2015

3ème Carnet - 15 octobre 1918

15 octobre. – Wilson répond. 
Lloyd George, Orlando, Clemenceau et Wilson lors de la conférence de Versailles
Source L.A. Story

« Allemands, vous êtes vaincus, adressez-vous à Foch. » Wilson avait peur que la France ne tienne pas. La France avait peur que Wilson ne manque de fermeté. Tous les cœurs respirent. 

Collection Gustave Dreyfus*. 

« J’ai envoyé, dis-je à Joe, Mme Jonas mère sonder le gendre Aboucaya. Ils sont quatre héritiers, ils ne peuvent pas garder la collection ; il lui a répondu : « Si vous avez un client, commencez par offrir six cent mille livres. 
— Je ne paierai jamais ça, s’écrie Joe. 
— Vous les paierez .(1) »

------------
Note de l'éditeur 

(1) Il a payé bien plus que cela (note de 1931)

------------
Note de l'auteure du blog

* Gustave Louis Dreyfus est un collectionneur d'art né à Paris en 1837 et mort dans la même ville en 1914.
Entre 1861 et 1864, il travaille en Égypte pour la création du Canal de Suez en qualité de secrétaire de l’ingénieur en chef puis chef du bureau central des travaux. Il réunit une importante collection d'œuvres d'art, dont la pièce la plus connue est La Madone Dreyfus qui provient de la collection du peintre et historien d’art Louis Charles Timbal (1821-1880), que les héritiers de Dreyfus vendirent en 1930 au célèbre marchand d'art Joseph Duveen. (d'où la note de 1931 !)

Lorenzo di Credi, madonna Dreyfus 1470-1472
National Gallery of Art, Washington (États-Unis)

Il est fait chevalier de la Légion d'honneur en 1878. En 1879 il publie avec Charles Ephrussi un Catalogue descriptif des dessins de maîtres anciens exposés à l'École des beaux-arts et fréquente aussi les milieux littéraires, notamment l'écrivain Paul Bourget et Antonin Proust.
Beaucoup de ses amis lui tournèrent le dos à l' occasion de l'affaire Dreyfus, notamment la famille Daudet dont Léon, virulent antisémite. Gaston Migeon relate la vie de Dreyfus et donne une description de son appartement du 101, boulevard Malesherbes à Paris et de la collection qu'il contenait dans Notice lue à l' Assemblée Générale annuelle de la Société des Amis du Louvre le 5 février 1929 (BNF)

--------------
Extrait de Journal d'un collectionneur de René Gimpel - Edition Calmann-Lévy 1963

dimanche 31 mai 2015

3ème Carnet - 13 octobre 1918

13 octobre. – Victoire.

L’Allemagne répond au président Wilson qu’elle accepte ses conditions de paix, et elle se déclare, avec l’Autriche, prête à évacuer les territoires envahis en vue d’un armistice. Aussi vais-je appeler mon fils Jean Victor !

Sur Groult.
Tapisserie de Boucher

Joe Duveen me raconte ceci : « Il y a bien des années, j’étais très jeune alors, nous avions acheté en Angleterre quatre merveilleuses tapisseries de Boucher. Je les apporte à Paris ; j’en parle à Groult et je ne lui cache pas que je suis pressé de retourner à Londres. Il m’invite à dîner et il avait du monde. A 11 heures nous restons seuls. « Et mes tapisseries, lui dis-je. – Nous avons le temps, prenez ce verre de punch. – Je ne bois pas. – Vous avez tort, essayez. – Non merci. – Bien, alors revenez demain après le dîner. » Je reviens le lendemain, il m’offre des liqueurs que je refuse et pendant huit jours il continue ce manège, mais chaque soir il parvenait à me faire baisser mon prix. Parce qu’il me savait anxieux de partir, il me forçait à rester à Paris. Il a cyniquement avoué plus tard à un de ses amis qu’il avait cherché à me griser. Le dernier soir, je lui vends les tapisseries six cent mille francs. Il appelle sa femme et lui dit d’apporter cette somme. Il compte les six cents billets ; il m’oblige à les compter après lui, il était 11 heures du soir, j’en avais assez. Enfin, je rentre au Continental et je dépose l’argent dans le coffre. A 1 heure du matin, on me réveille, on me demande au téléphone. C’est Groult. « Allo ! Duveen, vous avez oublié de me donner un reçu, apportez-le-moi tout de suite. » J’ai raccroché assez rapidement. Il a attendu son papier jusqu’au matin. » 

Gros prix.
Quentin Metsys - Peter Gilles
Sans doute le Metsys de Lord Radnor- Source National Gallery

Je dis à Joe : « J’ai offert à Henderson quarante mille livres pour ses deux Rembrandt. Trente mille livres pour le portrait de l’homme seul. Cherchez à les avoir en retournant à Londres. Il y a cinq ans, j’ai offert cent mille livres pour le Vélasquez, le Holbein et le Quentin Metsys de Lord Radnor. Aujourd’hui, vous pouvez lui en donner cent quarante mille livres. »

Baron Joseph Bonnier de La Mosson, 1744 par Nattier

A son tour, Joe me dit d’offrir trente-six mille livres pour le Rembrandt du prince de Broglie. Je lui demande de me montrer le Nattier qu’il a repris à Huntington dans un échange. Il m’annonce qu’il vient de le vendre onze mille livres à Tombacco, un Egyptien (1)*.

--------------
Note de l'éditeur et de l'auteure du blog

(1) Aujourd’hui dans la collection E. Berwind à New York. (Note de 1929.)
* Baron Joseph Bonnier de La Mosson, 1744 - Galerie nationale d'Art, Washington  [probably 1744 Dr. Alfred Debatz, by 1905 - 1908 S. Guiraud, 1908 Knoedler & Company, 1908 - 1911 Henry Edwards Huntington, 1911 - 1918 Duveen Brothers, Inc., 1918 - N. E. Tamoaco Edward Julius Berwind, by 1929 - 1936 Julia A. Berwind, 1936 - possibly 1939 Margaret Dunlap Behn, possibly 1939 - 1977 Newhouse Galleries, 1977]
Joseph Bonnier de la Mosson (1702-1744) était le descendant d'une famille de marchands de tissu aisés de la ville méridionale française de Montpellier. Il a servi comme officier dans l'armée royale française jusqu'à la mort de son père en 1726. Il était un esprit universel qui se piquait de littérature, de musique et de sciences. Il est décédé subitement le 26 Juillet, 1744. Nattier a commencé le portrait de Bonnier au début de 1744, l'année de sa mort ; il a signé et daté la toile l'année suivante. Le portrait a peu de rivaux dans le portrait français de l'époque, non seulement pour l'élégance de sa composition et le raffinement de sa coloration, mais aussi pour sa délimitation vive de caractère.
Source Wga

--------------
Extrait de Journal d'un collectionneur de René Gimpel - Edition Calmann-Lévy 1963

vendredi 29 mai 2015

3ème Carnet - 12 octobre 1918

Mercredi 12 octobre. – L’antiquaire Georges Samary* (15, rue La Fayette).


Lui aussi possède plusieurs millions. Il me dit : « J’ai commencé avec cent francs. J’étais musicien et le soir je jouais dans l’orchestre du théâtre des Italiens, la plus belle salle qui ait jamais existé ; les instruments de musique m’intéressaient, j’en achetais d’anciens et je les revendais. J’achetais aussi de l’argenterie, quatre-vingts francs une pièce que je revendais quatre-vingt-dix. 


Un encrier de Caffieri ... sans porcelaine de Sèvres !

Un jour, près d’Amiens, se présente ma première grosse affaire. Je trouve un encrier de Sèvres, avec des bronzes de Caffieri, pour trois cents francs. Mannheim vient chez moi et m’en demande le prix, je lui dis : six mille. Il le prend et le vend à Gustave de Rothschild. Il se trouve aujourd’hui chez son fils Robert et vaut facilement cent cinquante mille francs.

Des tapisseries de Beauvais ... sur des fauteuils ! Estampillés Claude Chevigny, maître le 27 avril 1768. Époque : Louis XVI, vers 1780. Matériaux : hêtre mouluré, sculpté et relaqué, tapisserie du XVIIIe siècle, probablement de Beauvais.

« L’affaire qui me permit de me mettre dans mes meubles m’arriva grâce à un vieux revendeur de plumes qui achetait leurs déchets aux tapissiers, et qui me dit un jour : « Samary, j’ai ce qu’il vous faut », et il me montre des morceaux de tapisserie roulés, six fauteuils et leurs manchettes, du Beauvais. « Combien ? » lui dis-je. « Soixante francs. » Trois jours après je les vendais deux mille à un marchand. Ils ont passé en vente quatre ans après et ont atteint seize mille. Je ne les ai pas vus depuis trente-cinq ans. Comme je vous l’ai dit, après cette affaire j’ai pu m’installer. J’ai pris un appartement rue de Navarin, et j’ai acheté deux chambres à coucher, une pour moi et l’autre pour notre fille, une salle à manger et même un salon. »

--------------
Note de l'auteure du blog

* Elise Brohan (1828-1891), la fille de l'actrice Suzanne Brohan, épousa le violoncelliste Samary. De leur union naquirent Georges, Jeanne, Henry et Marie.
Jeanne (1857-1890), doué elle aussi pour le théâtre, devint actrice et débuta à 18 ans à la Conédie Française dans le rôle de Dorine. De fait, elle excellait dans les rôles de soubrettes de Molière. Mais elle rêvait d'incarner une nouvelle de Maupassant, Yvette. L'écrivain, qui n'aimait guère les expériences théâtrales, fuyait la proposition. En septembre 1890, alors qu'elle se trouvait à Trouville, elle apprit qu'il avait enfin accepté. Mais quelques jours plus tard, elle fut victime d'une fièvre typhoïde et, ramenée d'urgence à Paris, succomba peu après.


Portrait d'Henry Samary par Louis Anquetin, Orsay (vers 1890)

Henry, son frère (1865-1902) fut, lui aussi, acteur et connu une brillante carrière à la comédie française jusqu'en 1892. Mais la mort de Jeanne le dévasta et, n'ayant pas obtenu le sociétariat dont il rêvait, il quitta la Comédie Française pour le théâtre de la Gaieté. Puis il abandonna les planches devenant antiquaire avec son frère Georges. Le 27 janvier 1902, alors qu'il partait pour Berlin pour y régler une série de réprésentations, il fut atteint d'une péritonite à laquelle il succomba le 3 février. Il est connu par les portraits que firent de lui Toulouse-Lautrec et Louis Anquetin

Portrait d'Henry Samary par Henri de Toulouse-Lautrec - Vers 1889 - Musée d'Orsay
.
Georges Samary (1851-1921), frère aîné de Jeanne et d'Henri, est plus volontiers donné comme musicien et collectionneur d'instruments de musique. On cite le Catalogue des instruments de musique ... composant la collections de M. Georges Samary: et dont la vente aura lieu Hotel Drouot, le mardi 15 mars 1887. Georges est décédé en 1921.

--------------
Extrait de Journal d'un collectionneur de René Gimpel - Edition Calmann-Lévy 1963

mercredi 27 mai 2015

3ème carnet - 10 octobre 1918

Lundi 10 octobre. Mon troisième fils.

C’est un garçon, et ma femme espérait avoir une fille. Elle sera désolée, j’en ai les larmes aux yeux. Il est laid, son nez est aplati et allongé, une énorme bouche mais ses mains sont exquises, ses ongles semblent bordés de neige. Il se transforme de minute en minute, et à midi vingt-cinq il est déjà gentil et a figure humaine. Ses yeux sont bleus, son nez petit, sa bouche aussi. Mais comment l’appeler* ? Nous n’avons cherché qu’un nom de fille. Ernest aussi est désolé car sa maman lui avait promis une petite sœur. Il regarde le petit être avec un grand sourire et une énorme joie. Pierre, étonné, reste grave.

Ma bibliothèque.
Source Tajan

Mes achats d’hier et d’aujourd’hui à la vente Le Petit, n° 3064 : Verlaine, Confessions, manuscrit. Très intéressant, francs : 2937,50, n° 3138 : Vigny, La Maison du berger, exemplaire avec envoi à sa femme, francs : 1 282,25 ; n° 3159 : Premières poésies, exemplaire probablement unique sur papier quadrillé en or, francs : 385,90 ; n° 3167 : l’Eve future, sur Hollande, francs : 705,60 ; n° 3169 : l'Eléphant sacré à Londres, manuscrit autographe. Les Villiers de L’Isle-Adam sont restés au-dessous des prix d’estimation. 

Les nouvelles.

Les Allemands sont en retraite et leur gouvernement prépare le peuple à la défaite par un système de dépêches lancées de La Haye et de Berne.

--------------
Note de l'auteure du blog

* Les parents lui choisiront finalement le prénom de Jean.
Jean Gimpel (10 octobre 1918 - 16 juin 1996 à Londres) est un historien médiéviste et essayiste français.
Jean Gimpel est le frère cadet de Doug Roy (5 août 1913 - 26 janvier 1973) - son frère Ernest -, connu sous le nom de Charles Gimpel, son prénom lui venant de la clandestinité et de Pierre/Peter Gimpel (26 octobre 1915 - 12 juin 2005), fondateurs de la galerie londonienne Gimpel Fils en 1946. Très influente, la galerie Gimpel Fils (le « fils » est un hommage à leur père René), a promu le travail d'artistes tels que Nicolas de Staël, Pierre Soulages, Marcel Duchamp, Yves Klein, Lynn Chadwick, Anthony Caro, etc. Héritier de l'une des plus fameuses dynasties de connaisseurs du siècle, il eut comme répétiteur privé l'historien d'art Anthony Blunt. Dès 1940, Mme Gimpel - née Florence Duveen - ayant quitté Paris, le père et les trois fils la retrouvèrent et allèrent vivre dans le Midi ; « faisant du renseignement », ils firent partie de l'un des premiers réseaux de la Résistance française.
Après l'Occupation, Jean se fait courtier en pierres précieuses « avant de revenir à l'essentiel, à l'art ». En 1963, il publia les précieux Carnets (1918-1939) de son père, document très vivant sur le marché de l'art au début du xxe siècle. Son œuvre d'historien a notamment pour objet la question des techniques et du progrès ou des régressions civilisationnelles.


Ses travaux ont nettement participé à une réhabilitation du Moyen Âge. Avec Lynn White Jr., il est le cofondateur en 1984 de l’Association Villard de Honnecourt for the interdisciplinary study of medieval science, technology and art (Avista) à Kalamazoo (Michigan).
Source Wikipedia

--------------
Extrait de Journal d'un collectionneur de René Gimpel - Edition Calmann-Lévy 1963

lundi 25 mai 2015

3ème carnet - 30 septembre - 9 octobre 1918

30 septembre. – Aux Gobelins.
Tapisserie de Reims- Série sur le thème du Cantique des cantiques.

On y abîme les tapisseries de Reims au lieu de les réparer. Le travail est exécuté par de pauvres vieilles femmes qui piquent dans les morceaux anciens et intacts avec un entrain qu’elles ont l’air de croire, ma foi, patriotique. On les laisse faire ! Je parcours les ateliers avec Robert Bonfils qui me montre une de ses œuvres, un éventail en cours d’exécution. Sous un arbre ami de Musset et sous un ciel bleu, bleu étoilé, bleu Bonfils, l’amoureux romantique, infime et éperdu, baise la main de son amante en crinoline jaune, coquette et perdue d’amour.

Un copie ancienne par les Gobelins de l'Embarquement pour Cythère

On travaille à deux tapisseries : Le Petit Poucet et La Belle au Bois dormant, de la qualité des tapisseries flamandes du XVIIe. Le mauvais goût du XIXe semble être devenu une tradition dans cette maison. On fabrique du XVIe siècle à la Viollet-le-Duc pour le palais de justice de Rennes. Mais le comble c’est un embarquement pour Cythère avec un cartouche, je crois : « Gloire à Watteau. » Il manque un pendant : « Honte aux Gobelins. »

9 octobre. – Drapeau rouge. 
Et dans le même temps, en octobre 1918, manifestations communistes à Berlin

Des manifestants l’ont arboré à Ménilmontant et à Belleville… pour protester contre l’armistice qu’on va accorder aux Boches sans entrer dans leur pays, sans leur donner une idée de l’invasion.

Ma bibliothèque. 

Mes achats à la vente Le Petit, n° 2739 : Sainte-Beuve, Livre d’Amour (1843), manuscrit qui servit sans doute pour l’impression, francs : 4 510 ; n° 2747 : Sainte-Beuve, Lettres à la Princesse, sur Hollande, acheté parce que je possède les lettres originales, francs : 223,25 ; n° 2957 : Jules Tellier, Reliques, sur Japon, n° 3, francs : 675,65 ; n° 2763 : Samain, Au jardin de l’infante, sur Hollande, non numéroté, francs : 1 527,50 ; n° 2768 : Le Chariot d’Or, sur Japon, n° 5, francs : 1 198,50 ; n° 2 270 : Samain, Contes, sur Chine, exemplaire D, francs : 998,65.

--------------
Extrait de Journal d'un collectionneur de René Gimpel - Edition Calmann-Lévy 1963