14 mai. – Chez le bibliophile Gallimard.
Je pense qu'en 1918 Gimpel parle de Paul Gallimard, le père de Gaston (né en 1881 ce dernier n'avait alors que 37 ans et ne peut donc être qualifié de vieux général)... Paul lui, par contre est né en 1850 et affiche 68 ans.
Paul Gallimard par Toulouse Lautrec
Ou plutôt chez l’actrice Diéterle, 68, boulevard Malesherbes. Gallimard* : type vieux général Napoléon III à barbiche. Une longue carotte en place de nez.
Son plus beau livre, c’est Les Fleurs du mal illustré de vingt-sept dessins de Rodin**. Le miracle du sculpteur c’est d’avoir du vers de Baudelaire extrait et matérialisé son mâle et sa femelle.
Les Fleurs du Mal illustrées par Rodin
Son plus beau livre, c’est Les Fleurs du mal illustré de vingt-sept dessins de Rodin**. Le miracle du sculpteur c’est d’avoir du vers de Baudelaire extrait et matérialisé son mâle et sa femelle.
Gallimard me dit : « Je possède quinze cents des deux mille bois qui illustrent les principaux livres du XIXe siècle. Le lendemain de la mort des grands graveurs, je courais chez leur veuve ou voyais leur famille et j’achetais leur œuvre gravé. J’en ai fait des occasions ! » Ses yeux luisent. Quel livre à écrire sur la cruauté de l’amateur !
Ambroise Vollard
Pendant qu’il s’entretient avec moi, j’ai les yeux fixés sur un homme qui parle à Diéterle. C’est Vollard***, le plus riche des marchands de tableaux modernes. Il possède dix millions.
L’origine de sa fortune date du jour où, dans l’atelier de Cézanne, il trouva l’artiste déprimé, et où il lui acheta environ deux cent cinquante toiles à une moyenne de cinquante francs pièce. Il en céda quelques-unes mais garda le plus grand nombre jusqu’au moment où il put les vendre entre dix et quinze mille francs pièce.
Hommage à Cézanne (1900) , Orsay , par Maurice Denis (1870-1943) , de gauche à droite : Redon / Vuillard / Mellerio / un homme qui tient le chevalet / VOLLARD / Sérusier / RansonN / Roussel / Bonnard / Marthe Denis.
Illustration de Degas pour la Famille Cardinal de Halévy
— Savez-vous, Vollard, lui demande Gallimard, comment les experts présenteront, dans la prochaine vente Degas, les dessins qu’il fit pour illustrer La Famille Cardinal de Halévy**** ?
— Ils les réuniront en un seul lot. Halévy n’a pas pu comprendre le talent de Degas, mais Mme Halévy, qui l’admirait, lui disait de préparer des dessins, et elle l’assurait qu’elle convaincrait son mari, mais elle échoua. Halévy choisit le lamentable Morin.
Portrait de Ludovic Halévy (1834-1908) pour la Famille Cardinal par Degas
Gallimard ajoute :
— Moi, je suis allé trouver Degas et lui ai demandé le prix du lot Cardinal. Il m’a répondu : quinze mille. J’acceptai aussitôt, mais le soir il m’envoyait un mot : Il me faut quatre-vingt mille francs du lot Cardinal.
Vollard s’écrie :
— Les artistes sans talent ont seuls une parole.
--------------
Notes de l'auteure du blog
*
Son père de Gaston Gallimard, Paul Gallimard (1850-1929), est un rentier qui traduit les œuvres de John Keats pour Le Mercure de France et collectionne les livres rares, comme il le fait des tableaux impressionnistes. Il est ami avec Auguste Renoir. Il fréquente aussi les théâtres. Il a épousé Lucie Duché (1858-1942).
**
Sur le site du Musée Rodin
CHARLES BAUDELAIRE (1821 -1867) LES FLEURS DU MAL Édition originale de 1857, illustrée par Rodin en 1887-1888 H. 18,7 cm ; L. 12 cm D.7174 Paris, Poulet-Malassis et de Broise. Cet exemplaire de l’édition originale de 1857 appartenait à l’éditeur et bibliophile Paul Gallimard. C’est grâce aux interventions de l’architecte et critique d’art Frantz Jourdain que Rodin reçoit la commande pour l’illustrer. La reliure en maroquin brun est réalisée par Henri Marius Michel. Sur le premier plat, un cuir incisé et mosaïqué représente en demi-relief une tête de mort de ton ivoire sur un pied de chardon vert foncé.
En à peine quatre mois, à la fin de l’année 1887- début 1888, Rodin, dont on connaît l’attachement à la poésie et à Baudelaire, travaille sur ce projet, et ses dessins au trait ou ombrés, au fond hachuré et aux cinq lavis sur papier japon, chargés d’encre et de gouache qui furent insérés par la suite. Conçus pour l’occasion, ou antérieurs, comme ceux inspirés de Dante, ces dessins apparaissent en frontispice des poèmes ou envahissent parfois le texte.
Cet exemplaire unique a pu être acquis en 1931 par le musée Rodin, grâce à la participation de MM. David Weill et Maurice Fenaille.
***
Ambroise Vollard est un marchand d'art, galeriste, éditeur et écrivain français né à Saint-Denis de La Réunion le 3 juillet 1866 et mort à Versailles le 22 juillet 1939. Il révéla Paul Cézanne, Paul Gauguin, Vincent van Gogh, Henri Matisse, Pablo Picasso1,2. Avant-gardiste en matière d'art moderne, il se lia d'amitié avec les plus grands peintres de la fin du xixe siècle et du début du xxe siècle. Passionné du Père Ubu d'Alfred Jarry, il était fasciné par la littérature.
Ambroise Vollard par Renoir
Fils de notaire, le jeune Ambroise quitte son île natale pour poursuivre des études à Montpellier, mais c'est à Paris qu'il fera finalement son droit. Il y développe une passion pour la peinture qui l'amène à ouvrir sa galerie d'art dès 1890. Il ouvre sa première galerie parisienne en 1893. Vollard expose par la suite de nombreux artistes majeurs comme Gauguin ou Matisse. Il en fréquente beaucoup d'autres, notamment Paul Cézanne ou Auguste Renoir, qui peindront son portrait, ainsi que les nabis. Il devient l'ami de Maurice de Vlaminck et contribue énormément à sa reconnaissance.
Vollard se lance dès 1889 dans l'édition et publie de nombreux poètes dans des recueils illustrés par autant de grands maîtres. C'est chez lui qu'a lieu en juin 1901 la première exposition de Pablo Picasso, jeune peintre espagnol récemment installé à Paris (et qui peindra également son portrait).
En 1914, la guerre l'oblige à fermer sa galerie parisienne. Par sécurité, il transfère ses tableaux dans la région de Saumur. Il ne rouvre qu'en 1919 après la fin des hostilités. Il meurt le 23 août 1929, dans un accident de voiture.
N'ayant pas pris le soin de faire un testament, son inestimable collection de plusieurs milliers d’œuvres est dispersée. Certains de ses tableaux se retrouvent dans les plus grands musées du monde ou dans des collections privées, d’autres se volatilisent à jamais
Source Wikipedia
****
HALÉVY, Ludovic.- La Famille Cardinal. Illustré d'un portrait de l'auteur et de trente-trois monotypes en noir et en couleurs par Edgar Degas. Avant-propos de Marcel Guérin. Paris, Auguste Blaizot & fils, 1939 (1938 au colophon). Gr. in-4°. Relié par E. Maylander : plein maroquin bleu foncé, plats sertis de multiples filets dorés gras ou maigres et d'un listel de maroq. saumon, dos à nerfs et caissons ornés comme les plats, doublures de soie parme serties de cadres de maroq. bleu foncé ornés de filets dorés pleins ou pointillés, doublures de même soie, tranches dorées sur témoins, couv. et dos cons. Sous étui. 34 compositions en noir : portrait de l'auteur en noir en frontispice, 31 hors-texte dont 6 avec des couleurs lég. plus prononcées, 1 bandeau et 1 cul-de-lampe. En vue d'illustrer l'ouvrage, Degas montra ces monotypes à son ami Halévy mais ce dernier ne montra aucun enthousiasme. L'artiste rangea ses gravures qui furent mises en vente en 1928 et acquises par un groupe de bibliophiles qui céda le droit de reproduction à Blaizot. Le monotype étant un type de gravure tirée à une seule épreuve, c'est Potin qui fut chargé de reproduire au plus près les originaux. Tirage limité à 350 ex. sur vélin de rives filigrané au nom de l'éditeur, un des 325 mis dans le commerce (n° 300).
Source Icollectors
Ludovic Halévy, né à Paris le 1er janvier 1834 et mort à Paris le 7 mai 1908, est un auteur dramatique, librettiste d'opérettes et d'opéras, et romancier français.
Ludovic Halévy
Halévy créa les personnages de la famille Cardinal, symbole de la petite bourgeoisie parisienne pompeuse, pédante et méchante. Il est également l'auteur de deux romans, L'Abbé Constantin (1882) et Criquette (1883), qui furent de très grands succès de librairie à la fin du xixe siècle. En rupture avec la noirceur des romans naturalistes, ils dépeignaient un monde certes réaliste mais où tous les personnages sont bons et vertueux. Ce succès lui ouvrit les portes de l'Académie française, où il fut élu le 4 décembre 1884.
--------------
Extrait de Journal d'un collectionneur de René Gimpel - Edition Calmann-Lévy 1963
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire