samedi 4 juillet 2015

4ème Carnet - 26 novembre 1918

26 novembre. – Après la vente de Curel.

Le comte de Bryas me raconte qu’il a vu avec M. de Moustier un parent des Curel, que la famille a beaucoup racheté, et entre autres tableaux le Largillière et le portrait de la duchesse d’Orléans. De Moustier même a acheté le Boucher, 115 500 francs : L’Enfant à la bouillie. Georges Petit avait un ordre illimité pour le Nattier, Lavoisier, 146 300 francs ; il pouvait le pousser à deux et trois cent mille francs. Ambatielos, un amateur grec, un nouveau riche, a acheté le faux Greuze, mais aussi le joli Van Dyck : 112 100 francs.

Scandale Arthur Meyer.

Portrait de Mme Arthur Meyer La Gandara Antonio de (1862-1917) 
Vizzavona François Antoine (1876-1961) , photographe

Bryas continue : « Cet Ambatielos a enterré Madame Arthur Meyer *. Elle était de meilleure noblesse et nièce de notre ami commun le marquis de Biron. C’était une demoiselle de Turenne, pensez donc. Elle n’avait pas un centime, il l’a sortie de la misère. C’est vrai qu’il avait soixante ans et elle vingt. Elle veut divorcer mais Arthur s’y oppose, il est irréductible, et alors la voilà qui vit maritalement avec ce Grec! Ce qu’il fut chansonné Meyer, il y a une quinzaine d’années, quand il fit ce mariage ridicule, ce juif converti, devenu, par la force du journal Le Gaulois, le soutien du trône et de l’autel. Il n’a de royal que son nez bourbon et ses favoris à la François-Joseph, empereur d’Autriche. Meyer voulut couronner sa carrière de renégat et de faux bonhomme par cette alliance ! »

Madame Arthur Meyer et Ambatielos.


Ambiatelos aux courses
propriétaire [du cheval de course Kefalin, gagnant du Grand Prix de Longchamp] : [photographie de presse] / [Agence Rol]
Source Gallica

Ils arrivent au 57. Les voici dans la galerie de peintures. C’est leur première visite. Il est jeune, petit, a le teint mat, ses cheveux sont comme frisés au petit fer : sa figure est énergique et, sous des yeux doux, il cache une violence asiatique. Elle est belle, plus haute que grande, et je m’amuse à entendre cette femme, au bras de son amant, me parler comme l’annuaire de Gotha et d’anciennes généalogies.
À un certain moment Wildenstein montre le Fragonard Le Renard dans les jardins d’Armide, et dit : «Arthur, Arthur veut l’acheter. » «Arthur?», interroge-t-il. « Oui, Arthur Veil-Picard », continue mon associé. Ambatielos respire, cet Arthur n’est pas Arthur Meyer !

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Note de l'auteure du blog

* Née Marguerite Turenne d'Aynac (1880-1945), épouse du célèbre journaliste Arthur Meyer, patron du Le Gaulois. Tableau exposé au Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts de 1911.
Source Réunion des Musées nationaux
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Extrait de Journal d'un collectionneur de René Gimpel - Edition Calmann-Lévy 1963

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