13 janvier. – Sage coq gaulois.
Claude Terrasse me dit : « Il y a à côté de chez moi, à Passy, un coq qui se taisait pendant toute la durée des bombardements de Gothas. »
15 janvier. – Ame d’enfant.
Je pars dans dix jours pour New York avec ma femme et mon fils aîné. Je laisse ici mes deux jeunes enfants avec la nurse, qui dit ce soir à Ernest : « Tu vas être content, tu n’auras plus à dire chaque soir bonsoir à ta nurse. – Chaque soir, lui répond Ernest, je vous écrirai bonsoir par carte postale. » Et l’enfant se met à pleurer.
16 janvier. – Watteau Chaponay.
La toile dont parle Gimpel pourrait être celle-ci vendue chez Christie's en 2004 et donnée comme provenance "Marquis de Chaponay" puis collection Wildenstein. En 2004, elle est donnée pour un "suiveur" de Watteau (prix dérisoire : 9 988€).
Wildenstein l’a vendu au baron Edmond de Rothschild sur une base de quatre cent cinquante mille francs. (Voir ici)
17 janvier. – Le scandale des faux Rodin.
Il a éclaté. La fabrique était à Asnières.(1)
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Note de l'auteure du blog
(1) Fabriquer des faux Rodin n'a jamais cessé : témoin le faussaire Gary Snell jugé en 2014, qui en a fait plus de 1700 !!
Voici, selon Gallica, les circonstances de ces faux de 1919
Une fabrique de faux Rodin
L'industrie était prospère. Un expert paya 80.000 francs une de ces imitations. On annonçait, hier, l'arrestation, à Asnières, d'un M. Bouyon de Chalus, qui avait épousé la veuve d'un médecin. Pourquoi cette -mesure ? Bouyon de Chalus vendait de faux Rodin. Tout simplement.
Ah vraiment ? s'exclama M. Léonce Bénédite, le conservateur, très averti du musée du Luxembourg et du musée Rodin, l'affaire a été ébruitée ? J'eusse préféré qu'on la tint secrète quelques jours encore, à cause des complicités possibles.
Une moue de contrariété rapprocha une seconde la barbiche et la moustache hérissée de mousquetaire. Et M. Léonce Bénédite, encore avec quelques réticences, se laissa arracher l'histoire.
C'est moi, dit-il, qui ai appelé l'attention du ministre des Beaux-Arts sur l'existence de ces faux. Je ne suis pas seulement le conservateur du musée Rodin, je suis aussi l'exécuteur testamentaire du maître, et je fus son ami. J'ai donc charge de veiller sur les intérêts matériels et sur les intérêts moraux de sa succession. Mais, seul, le ministre, avait légalement qualité pour porter plainte. Déjà, du vivant de l'artiste, il y a dix ans, rappela M. Léonce Bénédite, on avait découvert une fabrique de faux Rodin. Comme par hasard, les inculpés, sauf Bouyon de Chalus, étaient les mêmes ... [problème de reconnaissance de caractère : illisible]. Une perquisition dans l'atelier des frères Montagutelli n'avait pas donne de résultats irréfutables, une ordonnance de non-lieu intervint.
L'affaire n'était pas terminée.
De temps en temps, des amateurs abordaient, l'air mystérieux, M. Bénédite et, le sourire malicieux, insinuaient qu'il ne connaissait pas toutes les productions de son illustre ami. Et la preuve était qu'ils venaient d'achetr un de ces bronzes, comme aucun musée n'en possédait, très certainement.
Depuis quelques mois, depuis la mort du sculpteur, les productions inconnues se multipliaient.
On parlait avec respect de la collection d'un oculiste défunt, le docteur Monfoux, à qui le maître, en reconnaissance de ses bons soins, avait fait don de pièces tout à fait remarquables. Il lui en avait donné tant et tant.La demeure du feu docteur Monfoux était un second musée Rodin. Or la veuve du praticien, remariée a un M. Bouyon de Chalus, qui habitait Asnières, se défaisait volontiers de quelques bronzes, moyennant une honnête rétribution, à peu de chose près la valeur réelle d'un bon exemplaire. Or je sais, remarqua malicieusement M. Bénédite, moi qui avais vécu près de Rodin, qu'il n'avait jamais eu mal aux yeux. Il était un peu myope il portait un lorgnon, un lorgnon quelconque prescrit par un oculiste quelconque au cours d'une brève consultation et je savais très exactement comment il avait récompensé son médecin habituel.
M. Bénédite exprima le désir de visiter cette collection unique et l'expert accepta de le conduire chez le comte de Chalus, le second mari de la veuve du praticien. M. Faralkq l'y avait devancé et déjà le «comte», la «comtesse», M. Philippe Montagutelli et le sculpteur Fidi, qui semble avoir servi d'intermédiaire, étaient mis les verrous. Un carnet trouvé sur Fidi, ne laisse aucun doute sur les opérations du groupe, un groupe qui n'est pas de Rodin. La dernière note relatait la vente de quatre pièces au prix de 47 000 francs. Le conservateur du Luxembourg estime qu'il y aurait intérêt à connaître les personnes qui ont prêté des œuvres authentiques en vue de reproduction frauduleuse. Je regrette de n'avoir pas eu le temps de rendre visite au couple Chalus-Monfoux, conclut M. Bénédite. J'aurais voulu voir leur tête.
Il y avait longtemps que la religion de M. Bénédite était éclairée. Les oeuvres de Rodin, à peu d'exceptions près, avaient été fondues par M. Rudier. Toutes portaient, à côté de la signature du maître, le sceau du fondeur.
Après avoir obtenu un ou deux exemplaires, trois au plus, M. Rudier prenait une nouvelle empreinte sur un moulage étalon. Les reproductions présentées à M. Bénédite, et parfois à M. Rudier, par ceux qui s'en étaient rendus acquéreurs, étaient généralement des « surmoulages », voire des moulages sur bronze dont le manque de netteté ne pouvait laisser aucun doute. M. Rudier avait tenu un compte exact des sujets reproduits. Il n'avait fait que peu de fontes à la cire. et les «cires perdues abondaient dans la collection», dédiées au docteur Monfoux. Jamais Ni. Rïidier n'avait relevé telle dédicace. D'autres pièces, enfin, n'étaient que de grossières copies.
M, Bénédite avait déjà acquis la conviction que ces faux venaient de l'atelier des frères Montagutelli, via Asnières, quand un expert, un expert près les tribunaux, -l'invita à visiter, chez lui un lot d'œuvres de Rodin. Il les avait payées 80.000 fr. en bloc. Ce n'était pas donné, certes. Mais, pensez donc! tout un lot de Rodin, alors .qu'on n'en trouve pas dans le commerce. Le musée Rodin ne laisse guère faire de reproductions que pour les musées de province. C'était quand même une affaire. Tout cela provenait de la collection du docteur Monfoux.
A. G.
LES OPERATIONS JUDICIAIRES
La perquisition pratiquée à Asniéres, 9, rue du Bac, chez Bouyon de Chalus, en présence de M. Rudier, fondeur d'art, 34, rue de Saintonge, officiellement chargé d'éditer les oeuvres de Rodin qui ne sont pas offertes au public a amené la découverte de 21 sujets, tous dédiés au « docteur Monfoux
Interrogé, Chalus déclara qu'il tenait ces bronzes du sculpteur Achille Fidi, sujet italien, âgé de cinquante-huit ans, demeurant impasse Laville, à Asnières, qui, à son tour, dénonça les frères Montagutelli, fondeurs, avenue du Maine, ses compatriotes.
Les contrefacteurs ont réalisé des bénéfices considérables.
L'industrie était prospère. Un expert paya 80.000 francs une de ces imitations. On annonçait, hier, l'arrestation, à Asnières, d'un M. Bouyon de Chalus, qui avait épousé la veuve d'un médecin. Pourquoi cette -mesure ? Bouyon de Chalus vendait de faux Rodin. Tout simplement.
Ah vraiment ? s'exclama M. Léonce Bénédite, le conservateur, très averti du musée du Luxembourg et du musée Rodin, l'affaire a été ébruitée ? J'eusse préféré qu'on la tint secrète quelques jours encore, à cause des complicités possibles.
Une moue de contrariété rapprocha une seconde la barbiche et la moustache hérissée de mousquetaire. Et M. Léonce Bénédite, encore avec quelques réticences, se laissa arracher l'histoire.
C'est moi, dit-il, qui ai appelé l'attention du ministre des Beaux-Arts sur l'existence de ces faux. Je ne suis pas seulement le conservateur du musée Rodin, je suis aussi l'exécuteur testamentaire du maître, et je fus son ami. J'ai donc charge de veiller sur les intérêts matériels et sur les intérêts moraux de sa succession. Mais, seul, le ministre, avait légalement qualité pour porter plainte. Déjà, du vivant de l'artiste, il y a dix ans, rappela M. Léonce Bénédite, on avait découvert une fabrique de faux Rodin. Comme par hasard, les inculpés, sauf Bouyon de Chalus, étaient les mêmes ... [problème de reconnaissance de caractère : illisible]. Une perquisition dans l'atelier des frères Montagutelli n'avait pas donne de résultats irréfutables, une ordonnance de non-lieu intervint.
L'affaire n'était pas terminée.
De temps en temps, des amateurs abordaient, l'air mystérieux, M. Bénédite et, le sourire malicieux, insinuaient qu'il ne connaissait pas toutes les productions de son illustre ami. Et la preuve était qu'ils venaient d'achetr un de ces bronzes, comme aucun musée n'en possédait, très certainement.
Depuis quelques mois, depuis la mort du sculpteur, les productions inconnues se multipliaient.
On parlait avec respect de la collection d'un oculiste défunt, le docteur Monfoux, à qui le maître, en reconnaissance de ses bons soins, avait fait don de pièces tout à fait remarquables. Il lui en avait donné tant et tant.La demeure du feu docteur Monfoux était un second musée Rodin. Or la veuve du praticien, remariée a un M. Bouyon de Chalus, qui habitait Asnières, se défaisait volontiers de quelques bronzes, moyennant une honnête rétribution, à peu de chose près la valeur réelle d'un bon exemplaire. Or je sais, remarqua malicieusement M. Bénédite, moi qui avais vécu près de Rodin, qu'il n'avait jamais eu mal aux yeux. Il était un peu myope il portait un lorgnon, un lorgnon quelconque prescrit par un oculiste quelconque au cours d'une brève consultation et je savais très exactement comment il avait récompensé son médecin habituel.
M. Bénédite exprima le désir de visiter cette collection unique et l'expert accepta de le conduire chez le comte de Chalus, le second mari de la veuve du praticien. M. Faralkq l'y avait devancé et déjà le «comte», la «comtesse», M. Philippe Montagutelli et le sculpteur Fidi, qui semble avoir servi d'intermédiaire, étaient mis les verrous. Un carnet trouvé sur Fidi, ne laisse aucun doute sur les opérations du groupe, un groupe qui n'est pas de Rodin. La dernière note relatait la vente de quatre pièces au prix de 47 000 francs. Le conservateur du Luxembourg estime qu'il y aurait intérêt à connaître les personnes qui ont prêté des œuvres authentiques en vue de reproduction frauduleuse. Je regrette de n'avoir pas eu le temps de rendre visite au couple Chalus-Monfoux, conclut M. Bénédite. J'aurais voulu voir leur tête.
Il y avait longtemps que la religion de M. Bénédite était éclairée. Les oeuvres de Rodin, à peu d'exceptions près, avaient été fondues par M. Rudier. Toutes portaient, à côté de la signature du maître, le sceau du fondeur.
Après avoir obtenu un ou deux exemplaires, trois au plus, M. Rudier prenait une nouvelle empreinte sur un moulage étalon. Les reproductions présentées à M. Bénédite, et parfois à M. Rudier, par ceux qui s'en étaient rendus acquéreurs, étaient généralement des « surmoulages », voire des moulages sur bronze dont le manque de netteté ne pouvait laisser aucun doute. M. Rudier avait tenu un compte exact des sujets reproduits. Il n'avait fait que peu de fontes à la cire. et les «cires perdues abondaient dans la collection», dédiées au docteur Monfoux. Jamais Ni. Rïidier n'avait relevé telle dédicace. D'autres pièces, enfin, n'étaient que de grossières copies.
M, Bénédite avait déjà acquis la conviction que ces faux venaient de l'atelier des frères Montagutelli, via Asnières, quand un expert, un expert près les tribunaux, -l'invita à visiter, chez lui un lot d'œuvres de Rodin. Il les avait payées 80.000 fr. en bloc. Ce n'était pas donné, certes. Mais, pensez donc! tout un lot de Rodin, alors .qu'on n'en trouve pas dans le commerce. Le musée Rodin ne laisse guère faire de reproductions que pour les musées de province. C'était quand même une affaire. Tout cela provenait de la collection du docteur Monfoux.
A. G.
LES OPERATIONS JUDICIAIRES
La perquisition pratiquée à Asniéres, 9, rue du Bac, chez Bouyon de Chalus, en présence de M. Rudier, fondeur d'art, 34, rue de Saintonge, officiellement chargé d'éditer les oeuvres de Rodin qui ne sont pas offertes au public a amené la découverte de 21 sujets, tous dédiés au « docteur Monfoux
Interrogé, Chalus déclara qu'il tenait ces bronzes du sculpteur Achille Fidi, sujet italien, âgé de cinquante-huit ans, demeurant impasse Laville, à Asnières, qui, à son tour, dénonça les frères Montagutelli, fondeurs, avenue du Maine, ses compatriotes.
Les contrefacteurs ont réalisé des bénéfices considérables.
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Extrait de Journal d'un collectionneur de René Gimpel - Edition Calmann-Lévy 1963
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