mercredi 18 mars 2015

2ème Carnet - 9 juin 1918

9 juin. – Arrivée.


11 heures ; la terre au loin, à droite, qui semble une écume sur la ligne d’horizon. Midi : des hydravions nous saluent. Une mère gronde sa petite fille de sept ans, qui lui répond : « Je suis bien contente d’arriver en Amérique. Au moins là, c’est le pays de la liberté. » – Gifle ! 2 heures : nous fendons la flotte de moustiques, nom donné par les Américains à la foule des petits bateaux rapides, navires de guerre de faible tonnage, chasseurs de sous-marins, yachts armés, transports. Nous apercevons même un sous-marin dont le kiosque seul émerge ; il soulève l’eau comme devait le faire le cortège d’Amphitrite. 4 heures : le pilote monte à bord. 5 heures : c’est le service de santé. Aucune maladie contagieuse. 5 h 30 : tous les passagers au fumoir où l’émigration vous fait subir un interrogatoire qui frise le passage à tabac. New York apparaît, le bas de la ville, les maisons de vingt à qua-rante étages. Elles forment un bloc, un îlot. Elles ont plutôt l’air d’avoir été découpées dans de gigantesques et formidables cubes de pierre qu’élevées par la main de l’homme. Nous arrivons à quai, descendons. Visite des bagages. Les douaniers, autrefois épineux, secs et mauvais, sont exquis avec les Français. 

Ritz-Carlton Hotel de New York - 1917 - 1951



À 8 heures et demie, j’arrive au Ritz-Carlton. Vais sur la Cinquième avenue et jusqu’au parc faire un tour. Le temps est lourd. Mes Américaines, ces anciens glaçons, s’accrochent comme des chattes aux bras des marins et des soldats. L’amour flotte comme à Montmartre, au bois de Boulogne ou à Saint-Cloud par une belle nuit de 14 Juillet.

Dîner sur la terrasse du toit du Ritz-Carlton en 1918 - Source Muzéo

--------------
Extrait de Journal d'un collectionneur de René Gimpel - Edition Calmann-Lévy 1963

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire