jeudi 18 juin 2015

3ème Carnet - 4 au 10 novembre 1918

4 novembre. – L’Autriche capitule.

L’armistice a été signé hier. Les hostilités cessent aujourd’hui à 15 heures.

5 novembre.

Louis Renault en 1919

Louis Renault, le constructeur d’automobiles, nous achète quelques tableaux.

6 novembre. – Sur un cimetière.


Je n’ai jamais vu le vieux cimetière de Passy, sur la place du Trocadéro. J’y monte, c’est dans la rue des Réservoirs. Sur la porte des morts, une plaque bleue. Ils demeurent au numéro 2. J’entre et je lis : A droite, bureau du conservateur. J’avance et je vois sur des emplacements inoccupés des salades, des choux et des légumes. C’est la guerre !
De là, je me rends chez Beltran Masses, je lui raconte ma visite et il me dit : « Quand je suis arrivé à Paris, je passais tous les jours place du Trocadéro et avenue Henri-Martin. Voyant d’en bas ce magnifique jardin suspendu, je disais à ma femme : « J’aimerais être assez riche pour habiter là ; il doit être heureux celui dont c’est la demeure. »

7 novembre. – Un buste de Madame Roland.*


Madame Roland (1893) par Emile Carlier (1849-1927) 
 Manon Philipon, dite "Madame Roland" (1754-1793) Musée de Montpellier

A Auxerre, chez un libraire, Roy de Jonchère. Je vois une terre cuite, une femme, 93, un nez révolté, elle a trente-cinq ans, des boucles frémissantes, des nerfs dans les yeux. Je l’achète quinze mille francs.

Un bibliophile.

Planche tirée de Thérèse philosophe, l'un des deux ou trois ouvrages pornographiques majeurs du XVIIIe siècle (BNF).

« Un habitant d’ici, me raconte Roy de Jonchère, avait, pendant soixante ans, ramassé tous les livres à figures du XVIIIe ; il en avait quatre cents de belle qualité, beaucoup fort licencieux. C’était un vieil athée, sa femme une catholique fervente qui avait éduqué leur fils dans un esprit étroit. Elle avait souvent menacé son mari de brûler ses livres et le voilà qui tombe paralysé ; il sait qu’elle va mettre son projet à exécution. Il avait, pour ainsi dire, perdu l’usage de la parole et, avec une ingéniosité de prisonnier et de prisonnier surveillé, il fait entrer chez lui, sans qu’on s’en aperçoive, un marchand de livres auquel il vend les siens pour cinq cents francs. Ils lui avaient coûté cher et valaient une fortune. Il parvient à faire comprendre à l’homme qu’il faut les enlever à l’insu de tous. Le plan réussit. D’où venait ce libraire, de Paris, de Lyon ou d’autre part ? on ne l’a jamais su. Notre paralytique, interrogé avec violence par sa femme, s’est renfermé jusqu’à son dernier jour dans un mutisme stoïque. »

La revanche.


Raucourt, en allant vers Sedan

Nous entrons à Sedan. Les parlementaires allemands sont en route pour le front.

Le 7 novembre, le maréchal Paul von Hindenburg, chef de l'État-Major allemand, propose une rencontre à Foch. Quatre voitures surmontées d’un drapeau blanc – en réalité une simple nappe réquisitionnée à Fourmies – arrivent par Rocquigny jusque Haudroy. Là, les plénipotentiaires allemands conduits par le Général Von Winterfeldt sont accueillis par le Capitaine Lhuillier, Commandant le 1er bataillon du 171e régiment d’infanterie...**


8 novembre. – Les plénipotentiaires.



A 11 heures, ce matin, Foch leur a communiqué les conditions d’armistice. Ils ont dû, ma foi, les trouver dures. Ils devaient pouvoir traiter et ils veulent en référer au grand quartier. Foch leur accorde soixante-douze heures. C’est beaucoup pour des joueurs qui ont perdu la partie.

10 novembre. – Abdication et fuite du Kaiser.


Guillaume II en 1918

Le titre suffit.

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Note de l'auteure du blog

* Manon Philipon est l'épouse de Jean-Marie Roland de La Platière. Extrêmement cultivée, elle tint à Paris, pendant la Révolution, un salon à Paris fréquenté par les Girondins et fut guillotinée avec ses amis.

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... Le Caporal Sellier peut alors sonner le cessez-le-feu. Après un passage par la Villa Pasques, à La Capelle, deux autres haltes à Homblières et à Tergnier, le cortège gagne la clairière de la forêt de Compiègne où l’attend le wagon du maréchal Foch et un train aménagé pour la délégation allemande. Durant les trois jours, les Allemands n'ont que peu d'occasions de véritablement négocier. Ils doivent rapidement se plier aux conditions développées dans un texte qui leur est soumis. Ce texte avait été établi en dernier lieu par Foch, au titre de commandant suprême des forces alliées, après un mois de positions divergentes de Wilson, Clemenceau, Orlando et Lloyd George. Le 9 novembre, le Prince de Bade conseille au Kaiser l'abdication. Il quitte l’Allemagne pour s’exiler aux Pays-Bas.
Source le blog de JJ.Thomas

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Extrait de Journal d'un collectionneur de René Gimpel - Edition Calmann-Lévy 1963

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