jeudi 9 avril 2015

2ème Carnet - 28 juin 1918

28 juin. – Chez Du Pont de Nemours.
Winterthur se situe dans la vallée de Brandywine dans le Delaware, un état verdoyant et vallonné situé à deux heures de voiture au sud de New York 

Dans leur immense propriété, le soleil est radieux, les arbres sont verts, les fleurs étincellent. À dix kilomètres, on fabrique la poudre, la mort.

L’amour du galon.
Pyramide de casques allemands à New York en 1918
Source La Boîte verte

Beaucoup d’individus ont profité de la présence des soldats alliés pour se vêtir de faux uniformes. Les autorités militaires, pour les prendre, ont donné l’ordre aux officiers de s’habiller le lendemain en civil. La cueillette a été très fructueuse.

Sur un Nattier.

Il y a une dizaine d’années, Henry Huntington, de Los Angeles, a acheté aux Knœdler un Nattier pour environ quatre-vingt-dix mille dollars. C’est le portrait d’une femme reproduit dans la petite édition de Nolhac. Très belle qualité. Superbe draperie rouge.
Aujourd’hui, Joe compte le reprendre dans un échange. Il me demande pour combien il doit le mettre dans ses livres. « Pour cinquante mille dollars, lui dis-je, je l’achèterai toujours pour ce prix-là. » Ce tableau était à Reims, et pendant des années j’ai cherché à l’obtenir. Son propriétaire ne voulait pas le vendre. Il meurt. Un intermédiaire qui travaillait pour moi, du nom de Lacombe, un négociateur très habile, saute dans le premier train pour Reims, mais en y arrivant il aperçoit sur le quai, Boussod, le marchand de tableaux, accompagné d’un autre intermédiaire ; les deux hommes repartent pour Paris et Lacombe leur trouve un air bien joyeux et se dit qu’ils lui ont enlevé l’affaire. Il se rassure quand il apprend que le mort n’est pas encore enterré, mais il lui est impossible d’entrer dans la maison. Il lui faut attendre la cérémonie du cimetière, et il commence à craindre le retour de Boussod. Il surveille l’arrivée des trains. Personne en vue. Il est dans la place. Revenue des funérailles, la veuve le reçoit. Il est le premier et respire. « Trop tard, lui dit-elle, le Nattier est vendu. Une drôle d’aventure, monsieur. Le jour de la mort de mon mari, un des croque-morts remarque mon tableau et il introduit auprès de moi un riche amateur qu’il connaissait pour avoir enterré sa femme. Ce collectionneur me fit une grosse offre et je l’ai acceptée aussitôt. »
Et dans la description des deux hommes, Lacombe reconnaît dans le croque-mort son rival et dans Boussod le pauvre veuf.

Amundsen part au pôle nord*.
Cela me rappelle le mot du gamin de Paris qui, le 4 août 1914 ? voyant un enterrement, fait : « Eh bien, en voilà un qui n’est pas curieux. » On attribue ce mot à Tristan Bernard.

Collection L. Blair.
Madame de Wailly, née Adélaïde-Flore Belleville (1765–1838) Augustin Pajou (Paris 1730–1809 Paris) Date: 1789 Source Metropolitan museum NY

Ses splendides tapisseries de Boucher, ses meubles et ses objets d’art sont couverts pour l’été. Nous essayons dans son grand salon le Pajou « Madame de Wailly »**. Je lui en demande soixante-quinze mille dollars. L’année dernière, pour sept mille dollars, mon prix coûtant, je lui vendu la merveilleuse cheminée Louis XVI en marbre blanc de l’hôtel de Crillon. « Quand on me l’a posée, me dit Blair, j’en ai fait remarquer la beauté à l’entrepreneur qui ne s’occupe que de la pose de cheminées. – Oui, c’est bien, m’a-t-il répondu, mais vous n’avez jamais vu les cheminées que fabriquent Smith & Co. »

à vendre : une cheminée ancienne de l'hôtel Crillon, marbre blanc style Louis XVI

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Notes de l'auteure du blog

* Né le 16 juillet 1872 à Borge, près d'Oslo, Roald Amundsen est le quatrième fils d'un capitaine de marine devenu armateur, Jens Amundsen. Sa mère fait pression sur lui pour l'éloigner de l'activité maritime et souhaite qu'il devienne médecin. Lors du retour triomphal de Fridtjof Nansen après sa traversée du Groenland en ski en 1889, Amundsen, alors âgé de 18 ans, décide de devenir explorateur polaire mais cache ce rêve à ses parents. En 1890, il entame cependant des études de médecine pour sa mère. Après le décès de celle-ci, en 1893, et des examens ratés1,2, il quitte l'université pour une vie de marin. Il est alors âgé de 21 ans et s'engage pour une campagne de six mois sur le phoquier Magdalena. Il poursuit ensuite son apprentissage de marin à bord des navires de la flotte de son père. C'est en 1909 qu'il réalise le rêve de toute sa vie : être le premier homme à atteindre le pôle Nord. Nansen lui prête le Fram et Amundsen se prépare pour une répétition de la dérive de ce dernier à travers l'océan Arctique, un projet prévu pour durer entre quatre et cinq ans2. À cette époque les expéditions polaires sont en plein essor et dans un esprit de compétition entre les nations et entre les hommes, aussi bien pour le Nord (Peary, Cook, Amundsen), que pour le Sud (Scott, Shackleton). Cette rivalité va faire basculer le destin d'Amundsen : le 1er septembre 1909, Frederick Cook annonce qu'il a atteint le pôle Nord le 21 avril. Six jours plus tard, Peary annonce qu'il a atteint le pôle Nord, lui, le 6 avril. La grande controverse du pôle Nord commence.
Source Wikipedia

** Le modèle était la femme de l'ami de toujours de Pajou, Charles de Wailly, un compagnon de sa vie d'étudiant à Rome. De Wailly, architecte de la cour de Louis XVI, avait construit des maisons voisines pour Pajou et lui-même, et Pajou exécuta des bustes de l'architecte et sa femme. Après la mort de son mari, Mme de Wailly épousé M. de Fourcroy, un médecin et chimiste. 
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Extrait de Journal d'un collectionneur de René Gimpel - Edition Calmann-Lévy 1963

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