jeudi 13 août 2015

4ème Carnet - 1er février 1919

1er février. – Sur Degas.
Moïse de Camondo (1860-1935)

« Il était devenu férocement antisémite au moment de l’affaire Dreyfus, me raconte Durand-Ruel, et probablement parce qu’il avait beaucoup d’amis israélites, pour les ennuyer, mais ses amis israélites s’obstinaient à ne pas prendre son antisémitisme au sérieux. May le blaguait. Camondo, pour l’inviter à dîner, lui envoyait sa maîtresse ; mais comme il refusait de venir, elle lui disait : « Mais moi, je ne suis pas juive. – Oui, répondait Degas devant vingt personnes, mais toi, tu es une putain ! »

Degas : Portraits à la Bourse (1878-1879 (1)

Degas, à l’époque du procès, arrive un jour chez nous et nous dit : « Je vais au Palais. – Pour assister au procès ? – Non, pour tuer un juif. »
Mme Halévy, une protestante, l’invite à dîner. « Mais promettez-moi, lui dit-elle, de ne parler ni de politique, ni de religion, il n’y aura que des israélites et des protestants. Degas promet. Dîner agréable ; Degas, encore plus brillant que de coutume, ne parle que d’art et, vers le dessert, raconte que, le jour même, il a eu un modèle, une femme qui lui a dit que Dreyfus n’était peut-être pas coupable. « Tu es juive, toi ? » lui dit-il. « Non, monsieur, je suis protestante. – Ah ! tu es protestante, eh bien, f… le camp ! »
Durand-Ruel continue : « C’était un être fantasque ; il ne voulait pas que ses amis lui achètent de ses toiles, et il nous avait envoyé une lettre avec la liste des interdits. » Je demande à Durand-Ruel s’il possède beaucoup d’autographes de peintres. « Oui, beaucoup, répond-il, mais peu qui soient intéressants, à part ceux de Degas, toujours spirituels sauf quand il vous demandait de payer son loyer. Ah ! quand un de ses amis possédait une toile de lui, il fallait qu’il la gardât. Doucet avait vendu deux Degas. Un jour, il va chez le peintre dont la vue et l’ouïe avaient beaucoup baissé et qui exagérait ses infirmités quand ça lui servait. Doucet lui crie : « Vous me reconnaissez ? Je suis Doucet, je suis Doucet. » « Doucet, Doucet… », fait Degas, en cherchant « … Oui, j’ai eu un ami qui portait ce nom-là, mais il est mort. »

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Note de l'auteure du blog


Cette toile est plutôt une caricature antisémite. La personne centrale représente un banquier en haut de forme portant toutes les caractéristiques physiques des caricatures antisémites (nez crochu, barbe fournie, teint cireux, malingre, air hautain) et courtisée par deux autres personnes en haut de forme et aux caractéristiques « aryennes » (blond, teint très blanc, bien portant) le premier lui parlant à l'oreille et le second lui offrant son mouchoir en soie. L'impression mise en avant par ce tableau est très clairement que les juifs seraient les vrais « maîtres » de la finance et que les banquier seraient « à leurs pieds ».
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Extrait de Journal d'un collectionneur de René Gimpel - Edition Calmann-Lévy 1963

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