mercredi 29 avril 2015

3ème Carnet - 15 août 1918

15 août. – Sur Renoir.
Femme au chapeau de paille- Renoir 1915

Quand je suis revenu à Paris, j’étais si content d’avoir fait la connaissance de Renoir et j’en étais si reconnaissant à Georges Bernheim que je lui ai donné au prix coûtant les toiles que j’avais achetées à l’artiste. Je les revois dans son magasin dépouillées de la lumière du Midi et je suis étonné de constater qu’elles sont aussi belles que sur la Riviera, et, particulièrement, le portrait de femme au chapeau de paille avec trois roses rouges au milieu et deux roses jaunes de côté. Les toiles de cette année sont peut-être plus belles que celles des trois dernières années, elles n’ont plus cette couleur brique un peu désagréable, elles redeviennent nacrées. Georges Bernheim me dit qu’il est allé voir Renoir cet été et je fais : « Comme Vollard ! En voilà un qui sait le prendre ! 

Poissons de Renoir - 1918

Un jour, il lui apporte du marché un lot de poissons qu’il jette sur une table, en lui disant : « Peignez-moi ça. » Renoir, amusé, s’exécute et Vollard emporte la toile. 

Ambroise Vollard en toréador, Renoir, 1917

Une autre fois, Vollard surgit devant le peintre, déguisé en toréador, et Renoir, enthousiasmé par la couleur, fait son portrait. « Par contre, Vollard lui tient son crachoir, lui apporte son vase de nuit et l’aide à faire… pipi ! »

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Extrait de Journal d'un collectionneur de René Gimpel - Edition Calmann-Lévy 1963

lundi 27 avril 2015

3ème Carnet - 3 au 10 août 1918

3 août. – Un mot de Forain à Georges Petit.
Les dégâts de la Grosse Bertha

Le jour où un obus de la grosse Bertha est tombé dans les ateliers du fondeur Barbedienne : « C’est ça qui va en faire des Rodin ! »

4 août. – Retour à Paris.

C’est presque un dimanche de courses. Comme les visages sont joyeux ! mais les nouvelles sont si bonnes !

5 août. – La grosse Bertha.

Elle recommence. Paris vaque tranquille à ses affaires.

6 août. – Sur les Américains.

O’Brien me dit : « Il y a deux jours, je déjeunais au front avec le général Mangin, qui me racontait que les Américains le rendent fou d’admiration, qu’à la dernière attaque il les a vus se débarrasser de leurs vêtements et, le torse nu, partir quinze cents mètres après les tanks, les rattraper, les dépasser et même les gêner dans leur tir. »

7 août. – Manet, portrait de sa mère.

Georges Bernheim me dit qu’il vient de le vendre cent cinquante mille francs.

9 août.
L’offensive anglaise est victorieuse.

10 août. – Sur un Monet et un Ingres.
Georges Bernheim me dit : « Rosenberg a acheté un Monet, grandeur nature, cent cinquante mille francs, une Japonaise, il dit que c’est une merveille. Moi, j’ai vendu mon dessin d’Ingres à la mine de plomb, La Famille de Lucien Bonaparte, cent vingt mille francs.

Source Harward Art Museum (je ne compte que 9 figures et deux bustes antiques !)

Il fut dessiné pendant les Cent-Jours, il a dix figures. Lapauze, qui en était fou, l’a publié dans La Renaissance. Je l’avais acheté au comte Primoli. Le dessin part pour Copenhague. Beistegui, qui donne sa collection au Louvre, n’en a pas voulu parce qu’il a trouvé que la main gauche de l’enfant qui pose à terre n’est pas bien dessinée. » Je ne dis pas à Bernheim que mon principal reproche est que le dessin est trop pâle et qu’il manque de fermeté.

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Extrait de Journal d'un collectionneur de René Gimpel - Edition Calmann-Lévy 1963

samedi 25 avril 2015

3ème CARNET - 1er Août 1918

1er août. – Le prince de Wagram*.
Mort pour la France, il a peut-être trente ans. La nouvelle arrive aujourd’hui. Sa mère est une Rothschild. On dit qu’il a légué au Louvre sa collection d’impressionnistes qu’il a commencée quand il avait vingt-deux ans. Il possédait les plus beaux Renoir.

Sur Matisse et la mère Humbert.
 Les parents d'Henri Matisse
Source la maison familiale d'Henri Matisse

Je parle à Petit de Matisse, et il me dit : « Ses parents tiraient le cordon dans l’hôtel de la mère Humbert, la reine des escrocs chez laquelle je fréquentais. La concierge me parlait bien de temps en temps de son fils qui peignait mais je n’y prêtais nulle attention. Je vendais des tableaux à la mère Humbert et comme tous les gogos je croyais à cet héritage, à ces millions imaginaires, à ces Américains qui n’existaient pas, à ces Crawford… oui, à cet héritage auquel elle était parvenue à donner une existence légale en en payant les droits de succession.
« Elle m’avait souvent montré l’immense coffre-fort à trois clefs où reposaient les titres auxquels, soi-disant, elle ne pouvait pas toucher, et quand on l’ouvrit, vous vous souvenez, on ne trouva que l’éternel bouton de culotte !


« Elle donnait de superbes soirées où j’ai rencontré le président de la République. Elle me devait deux cent mille francs depuis pas mal de temps et, un jour, je vais les lui réclamer et je trouve dans son anti-chambre un bijoutier qui l’attendait et que je connaissais, mais je n’ai pas le temps de lui parler car elle me fait entrer aussitôt. Je lui demande mon argent de façon très énergique. Elle se dérobe. J’insiste. Alors, elle me dit : « Puisque vous avez tant besoin de votre argent, Petit, je vais mettre mes bijoux au mont-de-piété, sacrifice que je ne ferais pour aucune « autre personne au monde. » Elle pensait que j’allais protester, m’y opposer, mais je m’en gardai bien. Elle me conduisit dans sa chambre à coucher où elle fit étinceler devant mes yeux pour au moins deux millions de bijoux, et elle me pria de revenir le lendemain, m’assurant qu’elle me payerait, et je le fus. Quinze jours après, je retournai chez elle et je retrouvai mon bijoutier dans l’antichambre. Il se plaint à moi d’avoir laissé là depuis plus de deux semaines pour, plusieurs millions de bijoux et de ne pouvoir en obtenir la restitution. Une lueur de doute traversa mon cerveau !

est une chanson à la mode dans les années 1901-1902 qui raconte la même histoire que Petit (cliquez pour entendre la chanson). Paroles :

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Note de l'auteure du blog :

* Les princes de Wagram m'ont donné du fil à retordre !! J'ai enfin trouvé le bon :  Louis Marie Philippe Alexandre Berthier (19 juillet 1883 - Paris VIIIe † 30 mai 1918 - mort pour la France à l'ambulance allemande de Barenton-sur-Serre (Aisne)), 4e prince de Wagram, 3e duc de Wagram, Saint-Cyrien (1903-1905, promotion de la Tour d'Auvergne), lieutenant au 101e régiment d'infanterie en 1910, capitaine au 6e bataillon de chasseurs. Il était en effet le fils de  Louis Philippe Marie Alexandre Berthier (24 mars 1836 - Paris † 15 juillet 1911 - Château de Grosbois), 3e prince de Wagram, 2e duc de Wagram, marié le 7 novembre 1882 (Paris) avec Berthe Claire von Rothschild (2 janvier 1862 - Francfort-sur-le-Main † 18 septembre 1903 - Paris).
Source Wikipedia

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Extrait de Journal d'un collectionneur de René Gimpel - Edition Calmann-Lévy 1963

jeudi 23 avril 2015

3ème CARNET - 31 juillet 1918

31 juillet. – Sur Meissonier.
LA VENTE DE LA COLLECTION CRONIER A LA GALERIE GEORGES PETIT. 1905 --A quatre cent mille!... Le Billet doux, de Fragonard!...--On demande à voir!... Le Billet doux, de Fragonard, a été adjugé 420.000 francs, auxquels il faut ajouter 42.000 francs de frais à la charge de l'acquéreur.
D'après la description de Gimpel, il me semble que Georges Petit est identifiable à gauche.

Comme un chat devant une souris, je trouve Georges Petit, ce matou gigantesque et jouisseur, assis devant son petit verre de chartreuse. La conversation tombe sur Meissonier, et il me dit : « C’était un grand peintre. Il fut l’ami intime de mon père qui fut chargé par lui de défendre ses intérêts et de diriger ses affaires. Moi-même, j’ai vendu La Revue quatre cent mille francs, Les Amateurs de tableaux cinq cent mille, La Confidence trois cent mille. Vous n’avez aucune idée de sa haute conscience artistique.


Il possédait une propriété aux environs de Poissy dans laquelle il entretenait une armée d’ouvriers. Il fit construire pour son tableau L’A propos une porte d’auberge parce qu’il n’en avait pas trouvé dans le pays. Je vendis cette toile deux cent mille francs, et quand je lui apportai l’argent il ne voulut prendre que cent vingt mille francs. Il dépensait un argent fou et n’a pas dû laisser plus d’un ou deux millions. Il recevait Napoléon III avec un luxe à la Louis XIV.
— Vous devriez, monsieur Petit, écrire vos souvenirs sur Meissonier.


— Je le pourrais, d’autant plus que je possède au moins deux cents lettres de lui. Je vous parlais de sa haute conscience, écoutez ceci : il construisit, dans cette même propriété, un petit chemin de fer et une piste sur laquelle il faisait galoper des chevaux tandis que monté sur une locomotive minuscule, il les suivait en prenant des croquis. Vous comprenez alors qu’il n’ait pas eu le temps de peindre beaucoup de toiles. Elles sont presque toutes en Amérique.


Vanderbilt en possédait beaucoup. La première fois qu’il débarque à Paris il court chez Meissonier qui lui répond : « Allez chez Petit, arrangez-vous avec lui. » C’est ainsi que nous fîmes la connaissance de cet homme qui devint un de nos plus gros clients.
— Les Meissonier ont beaucoup baissé.
— Beaucoup baissé, mais beaucoup remonté. Une belle toile peut encore atteindre deux cent mille francs ».

Sur « L’Angélus ».


« Monsieur Petit, avez-vous connu Millet ?
— Oui, et j’ai toujours été mêlé à la vente de son Angélus qui parut d’abord à la vente Wilson, où se trouvait aussi le beau Perronneau de la vente Doucet. Une contestation s’éleva à la vente même, entre Secrétan et Defoler qui, tous deux, prétendirent que L’Angélus leur avait été adjugé. Il avait atteint cent quatre-vingt mille francs. Un plus gros joueur que Defoler n’a peut-être jamais existé. Il proposa à Secrétan ce tirer le Millet au sort, ce qui fut accepté. On mit leurs noms dans un chapeau : j’étais là, un groom tira et Defoler gagna L’Angélus. Peu de temps après, il vient me trouver ; des amis l’ont traité d’imbécile et lui ont dit que jamais Secrétan n’avait eu l’intention de gagner ce tableau, qu’il a été roulé, que les deux bulletins portaient son nom. Je me précipite chez Secrétan qui me répond qu’il en donne deux cent mille francs. Il fit, ce jour-là, une belle affaire, car à sa vente, la toile fut adjugée huit cent mille francs au ministre des Beaux-Arts. Alors, nouvelle affaire, car le conseil des ministres n’approuve pas l’achat. Voilà un ministre diablement ennuyé et qui accourt me raconter la catastrophe. Je pars chez Alphonse de Rothschild, je lui explique la situation et il me répond : « Je ne tiens pas au tableau mais je le prends si cela doit vous tirer d’embarras ainsi que le ministre des Beaux-Arts. » Je retourne à mon magasin où je trouve un nommé Sutton, un Américain, qui avait traversé l’Atlantique pour acheter L’Angélus avec l’intention de l’exposer à travers tous les États-Unis. Il l’avait manqué à la vente et venait d’apprendre que le gouvernement n’en voulait pas. Je lui dis : « Vous arrivez trop tard, je viens de le vendre au baron Alphonse de Rothschild. » Sutton, placide, me répond : « Allez lui offrir huit cent cinquante mille francs. » Je retourne chez Alphonse qui m’autorise à disposer du tableau. Le voilà donc vendu à Sutton qui charge Brandus de la tournée. Les entrées rapportèrent deux cent mille dollars, la vente de la gravure, dix mille dollars, et quand Sutton en eut tiré tout ce qu’il pouvait, il me chargea de le revendre. Chauchard m’en donna un million de francs. »

Defoler.

« Parlez-moi de lui, monsieur Georges Petit.
— Un joueur effréné, je vous le répète. Il jouait au billard à mille francs le point. Il était parvenu à gagner au jeu quatre millions et demi. Effréné, et cependant, un jour, il jura de ne plus jouer s’il perdait cinq mille francs. Le plus curieux, c’est qu’il tint parole. Il se levait très tard, j’allais chez lui le matin avec mes tableaux, je les plaçais droit au bout de son lit et il me disait, par exemple : « Combien ce Corot ? – Cent vingt mille francs. – Cent vingt mille francs, je dois les avoir dans un tiroir, mais je ne sais pas dans lequel, cherchez donc, Petit, dans le secrétaire, comptez et emportez. »

Secrétan*.

Maintenant, j’interroge Petit sur cet autre grand amateur et voici ce qu’il me raconte : « Secrétan n’aimait pas les tableaux. Un jour, il vient déjeuner chez moi et il trouve mon intérieur très joli. Il est vrai que j’avais formé pour mon plaisir une collection de beaux meubles, et de charmants objets d’art. Il me demande combien le tout m’a coûté. Je lui réponds : « Environ sept cent mille francs – Combien me vendriez-vous cette collection ? – Huit cent mille francs – Je vous l’achète. » Je gagnai cinq cent mille francs et ce fut le fond de sa collection. Son fameux Pajou en venait. Je ne fus pas toujours aussi heureux. Un jour, je termine avec lui une affaire de treize cent mille francs, et il me dit : « Venez mercredi prochain à 2 heures, « j’ai vendu des immeubles, j’aurai votre argent. » – Vous pouvez penser si je fus exact au rendez-vous, mais Secrétan était fort silencieux. Il avait devant lui des liasses et des liasses, il comptait les billets un à un, et, de seconde en seconde, il s’impatientait davantage, et quand il eut fini, il me dit : «Tout cet argent, je me rends compte. Petit, je suis fou, je n’achèterai plus. » Et le plus curieux fut qu’il tint parole.
J’interroge encore Petit, mais il est fatigué et se contente de dire : «Corot, un poète ; Daubigny, un bourgeois. Mais tous ces gens, une élite. Ils se moquaient de l’argent. Il n’y a aujourd’hui comme seuls peintres intéressants, intelligents, grands esprits, mon Dieu, que Le Sidaner, Besnard et Ménard.»
Georges Petit est trop vieux ; il se trompe.

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Note de l'auteure

* Pierre-Eugène Secrétan appelé couramment Eugène Secrétan, industriel, né à Saulx en 1836, décédé en 1899, innovateur de l'industrie du cuivre et créateur de l'usine d'électrométallurgie de Dives-sur-Mer.
D'origine modeste, son père était chef-cantonnier, il était autodidacte. Doué des qualités de technicien et à force d'un travail acharné, il devient un des spécialistes français du traitement des métaux non ferreux. La fin du Second Empire le trouve à la tête de la "Société industriel et commerciale des métaux", comprenant six sociétés et plus de 3 000 employés. ...  Attiré par la spéculation, Secrétan commence à se faire la main sur l'étain et sur le plomb dans le quatrième trimestre de l'année 1886. ... À la suite des plus importantes spéculations financières de toute l'histoire de la production de cuivre, il fait faillite en 1889. Complètement ruiné, il arrive à convaincre l'ingénieur britannique de Leeds, Elmore, qui vient de mettre au point un nouveau procédé de fabrication de tubes en cuivre par électrolyse, de lui confier en France l'exploitation de son brevet. 


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Extrait de Journal d'un collectionneur de René Gimpel - Edition Calmann-Lévy 1963

mardi 21 avril 2015

3ème CARNET - 28-29 juillet 1918

3ème carnet

En débarquant, j’ai dit : « France. »
Ma femme a dit : « Victoire. »

Dimanche 28 juillet. – Souvenez-vous.

Sur un banc : cinq soldats, sept jambes de bois.

Des Canadiens devant le dépôt – Sibérie, Russie. Une toile du colonel Louis Keene

La guerre. Deux bonnes nouvelles. La retraite des Boches s’accentue. Les alliés interviennent en Sibérie.

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Lundi 29 juillet. À Biarritz avec Nathan Wildenstein
Le musée de Douais évacué et pille, octobre 1918

Il me dit : « Quarante-huit heures après ton départ, j’ai envoyé ici toutes nos collections devant la rapidité de l’avance allemande. Je connais pour plus de deux cents millions d’objets d’art dans les environs. Le gou-vernement a mis un grand nombre de wagons à la disposition de notre chambre syndicale. Lucien Kramaer, dela rue Tronchet, a loué pour cinq mille francs, à un marchand d’oranges, un wagon qui n’allait que jusqu’à Bordeaux.

Dijon, dépôt d'oeuvres d'art dans le dortoir de l'abbaye bénédictine de Sainte Binigne. Février mars 1918- Photo Jacques Agié


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Extrait de Journal d'un collectionneur de René Gimpel - Edition Calmann-Lévy 1963


dimanche 19 avril 2015

2ème Carnet - 22-26 juillet 1918

22 juillet. – Kornovaloff.

Ancien président ou vice-président de la Douma. Bertron m’a donné un mot d’introduction pour lui. Une tête ronde et forte de bedeau, la bouche est en bénitier et ses yeux sont plissés. Calme, il parle à peine et bas, comme un sourd. Il reproche à Kérensky son manque d’énergie. Il me confirme que l’intervention des Alliés en Sibérie dépend uniquement de la décision du président Wilson.

23 juillet. – Concert de charité.

Nous avons récolté plus de deux mille quatre cents dollars. Mon petit discours eut un gros succès, et si je me retrouve discourant, c’est parce que cette expérience m’aura donné confiance. À mon prochain voyage aux État-Unis il me faudra faire quelques conférences sur l’art.

25 juillet. – Cimetière lunaire.
2 heures du matin. 
La nuit est lourde. Sur le pont et à l’avant dorment les passagers. C’est le cimetière de l’au-delà, c’est le cimetière d’un autre monde, un cimetière où les corps ne pourrissent pas et restent comme la vie les a laissés morts. Ils sont tous morts depuis des siècles et morts comme cela pour toujours.
Toutes les morts sont là représentées, les brûlés dans les incendies, sous des couvertures brunes (Pourquoi des ceintures de sauvetage accrochées derrière eux ou rejetées sur le sol puisqu’ils sont morts depuis des ans ?) ; les suicidés étendus sur des chaises, les bras mous et les têtes aux cous invertébrés, vides de sang et de cervelle, pendant lamentablement ; une femme sur des oreillers blancs et des coussins noirs porte son deuil ; une autre, une petite blonde qui fut très animée dans la vie, aujourd’hui une poupée qui a perdu tout son pauvre son. Les noyés, avec des visages blancs à faire peur à la lune, reposent choyés sur des matelas et dans des couvertures. Les couvertures, combien tragiques, mais combien belles avec leurs plis vrais, leurs plis justes, pas arrangés par des artistes, pas faussés par des mains humaines, quelle vérité ! Quelle vérité aussi dans les corps, chacun avec sa position, son expression différente, sa personnalité.
Pourquoi les vieux semblent-ils moins morts ?
Tiens, un marin sur le dos, à plat sur les lattes, les mains dans les poches, c’est le seul qui ait l’air de s’en f… C’est un pauvre, il est heureux, il n’a jamais rêvé d’une bière capitonnée.
Le plus horrible, plus horrible que ces faces, ce sont les mains, même les mains qui prient, même les mains aux cinq doigts écartés, collées plates sur le corps, mortes sans expression. Oh ! la tragique et vaine inutilité des mains fermées comme des poings ; les autres reposent sur le cœur comme si elles le pinçaient pour lui rendre la vie ou se collent aux entrailles pour les empêcher de s’échapper.

Un convoi*.

A l’horizon, vingt et un navires. Bientôt nous les passons, ils se diri-gent vers Brest, nous vers Bordeaux. C’est beau, vingt et un navires qui vont à la guerre !

Offensive.
Américains devant une redoute allemande

Elle continue victorieuse.

26 juillet. – Assassinat du tsar.
Le tsar Nicolas II et sa famille

Nous n’avons pas encore débarqué mais les journaux sont à bord. Kornovaloff me dit : « Le tsar était un homme faux, et la fausseté était son moyen de gouverner, mais les bolcheviks en l’assassinant viennent de commettre un grand crime. Ce sont des bandits. »

Ma femme.
Ma chère femme est là, sur le quai, à m’attendre. « René, me dit-elle, nous ne nous séparerons plus, je ne le veux pas ! »

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Note de l'auteure du blog

* La photo montre six navires marchands d'un convoi de la Première Guerre mondiale dans l'Atlantique. En réaction aux pertes croissantes de navires marchands causées par les U-boote (sous-marins) allemands, l'Amirauté britannique introduisit la formation de convois en 1917. Le regroupement de navires marchands et l'escorte fournie par des bâtiments de guerre rendaient plus ardue la tâche des U-boote. Ainsi, le nombre de navires alliés perdus diminua sensiblement.
Source Musée de la Guerre

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Extrait de Journal d'un collectionneur de René Gimpel - Edition Calmann-Lévy 1963

vendredi 17 avril 2015

2ème Carnet - 21 juillet 1918

21 juillet. – Saint-Thomas Church.
Source épiscopat ; l'église en 1918 avait encore sa flèche

J’ai une conversation avec le révérend E.M. Stires, et malgré sa modestie, je devine que c’est lui qui a construit cette belle église gothique au coin de la Trente-troisième rue et de la Cinquième avenue ; il n’en fut pas l’architecte mais l’âme.


Il a fait recommencer certains plans quatre et cinq fois et des dessins à l’infini et même en ce moment il n’hésite pas à demander à un même sculpteur pour une seule niche trois ou quatre épreuves en pierre.

Sur Paderewsky* et les Polonais.
Ignacy Jan Paderewski

Le secrétaire de notre concert de charité est le lieutenant O’Bden, de la Légion étrangère, fils d’un général irlandais, croix de guerre, médaille militaire, le bras droit presque paralysé. Envoyé en mission en Amérique. il en revint pour conduire en France un contingent de soldats polonais. « Ces hommes ont plus de trente et un ans, me dit-il, ils n’auraient donc pas à être soldats en Amérique, la limite d’âge étant de trente ans, mais ils vont se battre sur le sol de France pour l’indépendance de leur pays, de leur pays qu’ils ne connaissent même pas ; ils sont nés en Amérique, certains ne parlent pas l’anglais, le plus grand nombre à peine. Ils sont presque tous mariés, certains gagnent jusqu’à huit dollars par jour. Six cents Polonais, en moyenne, partent chaque semaine pour la France. Ils vont se faire tuer sur une terre qui n’est même pas la leur. Il y a peu d’exemples, chez aucune race, d’un tel patriotisme. J’ai aidé à leur recrutement avec Paderewsky, un être de génie. Je ne parle pas du musicien, mais de l’homme. »

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Note de l'auteure du blog

* Ignacy Jan Paderewski, ou Ignace Paderewski, né le 18 novembre (6 novembre) 1860 à Kuryłówka en Podolie (actuelle Ukraine) et mort le 29 juin 1941 à New York, est un pianiste, compositeur, homme politique et diplomate polonais. Son engagement pour la cause d'une Pologne libre et démocratique commence à se manifester en 1910 ; il fait d'abord deux dons importants pour la construction d'une salle de concert à Varsovie et l'érection d'un monument à Frédéric Chopin pour centenaire de sa naissance, puis une autre contribution financière importante pour l'érection d'une statue du roi Ladislas II Jagellon, pour le cinquième centenaire de la bataille de Tannenberg au cours de laquelle le roi avait remporté une victoire décisive sur les chevaliers teutoniques.
La Première Guerre mondiale
En 1914, dès le début de la guerre, il fonde à Vevey, avec Henryk Sienkiewicz et Henri Kowalski, un « Comité central de secours pour les victimes de guerre en Pologne » ; il en assure la vice-présidence durant la première année, puis devient son représentant aux États-Unis, jusqu'à l'indépendance de la Pologne. En janvier 1917, il rencontre le président Woodrow Wilson et lui remet un mémoire sur la Pologne, dans lequel il plaide pour une Pologne libre et démocratique, mais aussi viable par la libre disposition d'un large accès à la mer Baltique. Le président américain, dans son discours du 8 janvier 1918, prononcé devant le Congrès, inclut l'indépendance de la Pologne parmi ses Quatorze Points : « Un État polonais indépendant devra être constitué, qui inclura les territoires habités de populations indiscutablement polonaises, [État] auquel devra être assuré un accès libre et sûr à la mer, et dont l'indépendance politique et économique et l'intégrité territoriale devraient être garanties par engagement international. »
À partir de 1917, Paderewski assure les fonctions de représentant aux États-Unis du Comité national polonais (gouvernement provisoire en exil siégeant à Paris) et participe à l'organisation et de coordination de bataillons de volontaires polonais envoyés au combat sur le front français.
À la fin de la Première Guerre mondiale, Paderewski se rend en Pologne alors que le sort de la ville de Poznań et de toute la région de Grande-Pologne reste encore incertain ; le 27 décembre 1918, il harangue la foule avec une telle conviction que cela provoque soulèvement populaire contre l'Allemagne, dont l'armée occupe toujours la région.
L'après-guerre En janvier 1919, il devient Premier ministre et ministre des Affaires étrangères de la Pologne recréée, fonctions qu'il occupe jusqu'en décembre. À ce titre, il est le chef des délégations polonaises qui signent le traité de Versailles le 28 juin 1919 et celui de Saint-Germain-en-Laye le 10 septembre.
Ignacy Paderewski en 1921
Ayant quitté le gouvernement, il rend encore de nombreux services comme diplomate au service de la Pologne, par exemple dans diverses conférences internationales, de juillet à décembre 1920, et, de septembre 1920 à mai 1921, comme chef de la délégation polonaise auprès de la Société des Nations.
Source Wikipedia

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Extrait de Journal d'un collectionneur de René Gimpel - Edition Calmann-Lévy 1963

mercredi 15 avril 2015

2ème Carnet - 20 juillet 1918

20 juillet. – Offensive*.

Ils continuent à fuir.

Fête de charité.
St Thomas'Church à New York (1870-1905)

Mon nom a été prononcé et on vient m’en offrir la vice-présidence. Le président sera le révérend Ernest M. Stires, de la belle église Saint-Thomas à New York. J’accepte. J’apprends, un peu plus tard, qu’il me faudra prononcer un speech. Je parle lentement, avec hésitation, cher-chant mes mots, les répétant, je suis très ennuyé. On ne veut pas accepter ma démission.

Guerre religieuse.
Le Dantec, le commissaire, m’apprend que ce matin il a dû réunir dans sa cabine les sept ou huit prêtres qui représentent les principaux cultes afin d’établir pour demain dimanche les différentes heures de messe et de choisir les salons où elles auraient lieu. « J’ai cru, me dit Le Dantec, assister aux anciennes guerres de religion. J’étais en plein Moyen Age parce que tous voulaient le grand salon et à la même heure ! Ce furent entre ces prêtres d’affreuses disputes, des mots très vilains échangés ; les protestants montrèrent le plus de dignité. Les plus féroces furent le curé français et le curé canadien ; j’ai vu l’instant où ils allaient se prendre à la gorge. Nous eûmes les plus grandes peines du monde à les apaiser. Ce fut un spectacle burlesque et lamentable. »

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Note de l'auteure du blog

* Le 18 juillet 1918, débutait l'attaque générale des troupes alliées consécutivement à l'offensive Mangin. De cette offensive, qui devait, 4 mois plus tard, mener les alliés à la victoire finale, le 125ème régiment d'infanterie, placé sous les ordres du General Garnier Duplessis commandant le 9éme Corps, se couvrait de gloire. Deux nouvelles citations à l'ordre de l'armée venaient s'ajouter à celles gagnées, et le régiment se voyait attribuer, le droit au port de la fouragère, aux couleurs de la médaille militaire. Le Bois des gueux, Ham, Essigny le grand, Bernonville, Hannappes, la forêt de Nouvion, Rocquigny, la frontiére de Belgique là, où l'armistice trouva le régiment. Tel est le dernier parcours du 125ème régiment d'infanterie pour la campagne 14/18, où il a vu ses effectifs fondre, comme tous les régiments de France, en 52 de mois de Guerre.
Source Histoire de Guerre


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Extrait de Journal d'un collectionneur de René Gimpel - Edition Calmann-Lévy 1963

lundi 13 avril 2015

2ème Carnet - 7 juillet 1918

7 juillet. – Henry Goldman*, collectionneur.
Je n'ai trouvé qu'une photo du père d'Henry Goldman, Marcus. La description d'Henry par Gimpel monte qu'il ne l'appréciait guère  et l'homme est, à cause de ses prises de position pro-allemandes (voir note*), laissé dans un prudent oubli.

Tête de haut fonctionnaire allemand. Ses lunettes : les lentilles prismatiques d’un phare. Un visage plein de graisse et de suffisance. Sa confiance en lui-même, le coup de poing sur la table. Ergoteur, fait rouler les r sur un ton rauque.
Nous reparlons des deux tableaux que je lui ai vendus : un Clouet et un Gentile da Fabriano.

Un portrait de François 1er du musée Condé, celui qui correspond au plus près à la description de Gimpel. Le Clouet de Goldman est sans doute actuellement dans une collection privée.

Le Clouet c’est le portrait de François Ier. Environ dix-huit centimètres de haut. On l’appelle : le Clouet de Toulouse. Il se trouvait dans un château des environs de cette ville. Germain Bapst** m’a fait une étude de treize pages tirées à quinze exemplaires chez Frazier-Soye. Il le décrit de trois quarts, légèrement tourné vers la gauche, coiffé d’une sorte de béret orné d’un bijou de barrette et d’une plume blanche. Son justaucorps à plis est de couleur cramoisie et laisse en une sorte de crevé passer la chemise. Un manteau est jeté sur ses épaules, bordé de zibeline et garni de perles. La tête se détache sur un fond vert olive foncé.
Ensuite, Bapst dit avoir découvert comment ce tableau parvint à Toulouse. Le fameux camée, l’Apothéose d’Auguste, avait été donné par l’église de Saint-Séverin de Toulouse à François Ier et quelque temps après, en 1553 le roi fit don de son portrait au chapitre pour le remercier. Le camée, aujourd’hui se trouve à Vienne. Durant les troubles de la Ligue, il fut acheté par l’empereur d’Allemagne Rodolphe.
Ce tableau a été exécuté vers 1 530.
Le Gentile da Fabriano est un merveilleux tableau. Il avait appartenu à un Canadien anglais, M. Sartis, qui, étant venu se fixer a Paris, l’avait prêté au musée des Arts décoratifs où il était resté longtemps exposé, en compagnie de deux autres primitifs, dont un Lorenzo Monaco que j’ai vendu pendant la guerre au musée de Boston sur la recommandation de son conseiller d’alors, le peintre Walter Gay, qui a touché sa commission.


Le premier achat de Goldman fut un Rembrandt, le portrait d’un boucher, tableau qu’on appelle « Saint Matthieu » pour le vendre plus facilement. Il est mentionné dans Bode. Il le paya dans les cent vingt mille dollars. C’était le sujet à tenter un Boche : un Rembrandt, un homme qui tient un couteau ! Il trouve cela fort. Ce n’est pas une tête de saint, mais bien de boucher, pas d’étincelle, la bestialité. Rembrandt prend ses personnages dans le peuple, dans le bas peuple, il leur met dans les yeux toute sa philosophie. La qualité de cette peinture est excellente, mais c’est une toile vulgaire.
Goldman m’apprend qu’il a acheté pour deux mille dollars à la vente Hermann, le premier Rembrandt mentionné dans Bode et dans le Klassiker der Kunst. Hermann l’avait payé vingt-cinq mille dollars au marchand autrichien Kleinberger. Goldman vient de s’en débarrasser dans un échange avec les frères Ehrich, auxquels il a pris un Van Dyck, époque de Rubens, une vierge et un enfant, collection de Lord Hartington. « Je n’avais acheté ce Rembrandt, me dit-il, que pour l’étudier quelques mois. »

Femmes américaines.

J’ai connu Mme Gimbel jeune fille, jolie, intelligente, intellectuelle, s’intéressant aux arts, à la littérature. Elle aime son mari qui ne possède aucune intellectualité. Le soir, j’ai dîné chez eux. Quand je la quitte, je la remercie et c’est elle qui m’exprime ses remerciements de façon débordante. Cette soirée fut pour elle comme une dernière lueur. Dans quelques années, l’enlisement sera total.

Le 14 juillet.
Source KSDK

Pour la première fois et à travers tous les États-Unis, le gouvernement américain célèbre officiellement notre fête nationale. Douze mille personnes, ce soir, se pressaient au Madison Square Garden où toutes les places étaient louées depuis déjà longtemps.
L’homme qui obtint le plus gros succès, ce fut l’orateur Paderewsky, hier pianiste, aujourd’hui représentant officiel de la Pologne. Fini, il ne joue plus, il lutte, et comme il est beau ! Il est là sur l’estrade ; il est maigre, le damné et divin défenseur de sa patrie, en habit, les cheveux épars et superbe ! Il parle avec hardiesse et beauté dans une agitation continue et entraînante. En chantant notre fête de la liberté, il sait qu’il appelle pour son pays l’heure de la délivrance.

Les « Chine » de Morgan.
Extrait du catalogue de la collection Morgan, 1911

Joe a acheté la collection près de trois millions de dollars.

Collection Morgan source ZAS07

Retour.

Je m’embarque à bord de la Lorraine. Même cabine.

Vision du temps passé. 
Les religieuses, de la Compagnie des Filles de la Charité de Saint Vincent de Paul, servantes des pauvres, sont de celles que l'on rencontrait partout où il y avait malades et blessés à soigner ; reconnaissables à leur grande cornette, maintenant abandonnée pour une plus discrète. Ici, à l'hôtel Dieu de Valenciennes, en 1918.

La mer n’est pas très bonne. À l’extrémité du pont dorment des sœurs de charité. La tête rejetée en arrière, elles ne savent pas, elles, si discrètes, qu’elles laissent leur visage découvert et exposé à tous les regards. Il me semble, sans les chercher, avoir saisi sur leurs traits des traces du passé. La mer a contracté leur figure, la souffrance a l’air de les étreindre et je retrouve, ah ! mais de façon frappante, l’expression des vierges du XVIIe siècle, des vierges qui ont souffert des attaques contre leur foi. Je crois rêver de me trouver de façon si saisissante ramené en arrière et de constater comme une même vocation, une même pensée, font mêmes tous ces visages.

Transatlantique de guerre.
Source Pages 1914-1918 Forum

Deux cents soldats polonais. Quatre-vingts Slovaques. Soixante Italiens. Vingt-cinq Français. Soixante membres de l’Association des jeunes gens chrétiens, une vingtaine de Chevaliers de Colomb qui est l’association catholique, puis des Croix-Rouge en quantité. Des membres de toutes sortes de sociétés de charité, quelques commerçants, des policiers. En seconde classe, de riches Américains pressés d’arriver en France pour s’y dévouer ou y mourir, parqués quatre dans des cabines intérieures et puantes, des gens qui, en temps de paix, ne voyageraient pas sans cabines de luxe. Une telle réunion de tant de gens de cœur est unique. L’atmosphère est saturée de hautes âmes. On a l’idée de ce que pourra être un monde meilleur, et c’est là un monde meilleur. Moi, si solitaire durant mes traversées, si heureux tout seul avec mes livres, je sens le besoin de me mêler à cette foule et je le fais.

Le paquebot camouflé

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Notes de l'auteure du blog :

* Henry Goldman (21 Septembre, 1857 - 4 Avril 1937) était un banquier américain, fils de Marcus Goldman . Il a joué un rôle dans la décision du conglomérat financier Goldman Sachs au début du XXe siècle. Banquier innovant, il a servi avec un grand dévouement auprès du comité exécutif de l'automobile. En 1915, Goldman a exprimé publiquement son soutien pour les Allemands et a refusé de permettre à Goldman Sachs pour participer à une émission de 150 millions de dollars obligataire anglo-français organisé par JP Morgan. En 1917, après l'entrée en guerre de l'Amérique, Goldman a démissionné en tant que partenaire de Goldman Sachs pour incompatibilité d'opinion. Goldman est resté un fervent partisan de l'Allemagne jusqu'en 1933, quand, lors d'un voyage annuel à Berlin, il a été témoin de première main l'antisémitisme de plus en plus brutal et institutionnalisé qui commençait à prévoloir dans le pays. Goldman n'est jamais revenu à l'Allemagne. Jusqu'à sa mort en 1937, Goldman a travaillé pour aider allemande intellectuels juifs et les enfants réfugiés à immigrer aux États-Unis pour échapper aux nazis.

** Germain Bapst (Paris, 20 décembre 1853 - Paris, 9 décembre1921) est un érudit, bibliophile, collectionneur de souvenirs historiques français. Germain Bapst fait ses études chez les jésuites. Il entre dans la maison plus que centenaire que son père Alfred Bapst, dernier joaillier de la couronne, dirige avec ses cousins Paul et Jules Bapst. Après la mort de son père en 1879, Germain s’associe avec Lucien Falize. Se rendant compte qu'il avait plus d'aptitudes pour les études historiques et artistiques que pour le commerce, il rompt avec son associé et lui abandonne la direction de la maison. Il s'acquiert alors une notoriété particulière d'historien, de collectionneur, de bibliophile.
Membre de nombreuses sociétés savantes, il était également administrateur du Musée des Arts décoratifs, membre du Conseil de la Manufacture nationale de Sèvres. Il est envoyé de 1883 à 1886 en mission pour le compte du gouvernement en Orient. Il publie en 1886 les Souvenirs de deux missions au Caucase, Les fouilles sur la Grande chaîne en 1885 et Les fouilles de Siverskaia en 1887.

Là encore je n'ai trouvé qu'une photo de Jules Bapst, le cousin de Germain, joaillier lui aussi.

Ses études sont parfois relatives au rôle économique des bijoux, des métaux, à leur provenance, à leurs usages. Il possédait une collection restreinte, mais choisie, qu'il a léguée en partie au Musée du Louvre, au Musée des arts décoratifs de Paris et au Musée du Luxembourg. Il est trois fois lauréat de l’Institut : Académie des inscriptions et belles lettres, prix Marcellin Guérin (prix de littérature) et Académie française, prix Thérouanne (prix annuel d’histoire).
Source Wikipedia

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Extrait de Journal d'un collectionneur de René Gimpel - Edition Calmann-Lévy 1963